" Le monde va connaître une période de stagflation "

Le consensus des économistes l'assure avec son docte aplomb depuis quelques mois : nous sommes au bord de la " stagflation ", cet étrange mélange de croissance anémique et de forte hausse des prix, que l'on a vu dans nos pays durant les années 70. Affirmation qui n'a pas grand sens, pour au moins deux raisons.D'abord, il n'y a quasiment plus d'indexation des salaires sur les prix. Cette mécanique d'ajustement automatique avait joué un rôle dévastateur après le premier choc pétrolier, elle a été cassée durant les années 80. Même en France : c'est Jacques Delors, alors ministre des Finances, qui avait promu la " désindexation ".D'autre part, la mondialisation de l'économie permet des substitutions de biens quasi immédiates, ce qui empêche les producteurs de répercuter les hausses de coûts. De ce côté-là aussi, la mécanique est cassée.LES DERNIERS FEUX DE LA SPECULATIONLa récente poussée d'inflation doit être interprétée tout autrement. Elle ne témoigne en rien d'une progression de la demande. Ce sont simplement les derniers feux de la spéculation, qui s'était réfugiée sur les matières premières et le pétrole après l'explosion de la bulle immobilière américaine. Ces actifs (les métaux, les céréales, l'or noir) étant tirés à la hausse par les investisseurs en mal de rendement, ils ont entraîné une progression mondiale des prix à la consommation. Mais c'est terminé : le prix du baril de pétrole a perdu plus d'un tiers depuis son plus-haut, et celui des matières premières a connu sa plus forte chute depuis cinquante ans. Car même les spéculateurs ont vu que, si la demande mondiale s'effondre, les prix vont baisser. Ils ont donc provoqué eux-mêmes le mouvement qu'ils redoutaient, en vendant. Le FMI, dans ses prévisions d'hier anticipe ainsi une inflation de 3,6 % pour les pays développés, et de 2 % en 2009.Parions qu'une fois encore, le célèbre organisme de Washington sera devancé par les faits. L'avenir proche devrait donc démentir doublement les économistes. D'abord, il n'y aura pas de croissance faible, mais probablement une sévère récession mondiale. Dans les semaines qui viennent, on va peu à peu redécouvrir une vérité quelque peu inquiétante : les seuls moteurs de la croissance mondiale, pendant les " années d'or " que nous avons connues, étaient les États-Unis, l'Espagne et le Royaume-Uni. Ce sont les trois pays qui possédaient les déficits extérieurs les plus importants - ils consommaient bien davantage qu'ils ne produisaient, ce qui sollicitait les autres pays.LE SURCROIT DE DEMANDE ETAIT FINANCE PAR L'ENDETTEMENTDans ces trois pays, l'extraordinaire surcroît de demande a été financé pour l'essentiel par la progression de l'endettement, car les revenus n'ont pas suivi, sinon pour les ménages les plus riches. Rappelons que l'endettement des ménages atteint 120 % du revenu aux États-Unis, un chiffre sans précédent, et 180 % au Royaume-Uni. Cet endettement a eu pour corollaire une progression inouïe des prix de l'immobilier. Ils ont plus que doublé aux États-Unis entre 1997 et 2007, plus que triplé au Royaume-Uni. En clair, la croissance mondiale était assise sur la valeur des maisons à Belgravia, dans les quartiers chics de Londres, à Las Vegas et en Floride. Tout cela est bien sûr fini. C'est la mécanique contraire qui va jouer : la deflation debt , analysée par l'économiste du début du XXe siècle, Irving Fisher. Les consommateurs des pays naguère expansifs, plombés par leurs dettes, vont restreindre leurs achats, et cela d'autant plus que la valeur de leur logement aura chuté. C'est l'"effet de richesse" à l'envers. Faute de demande, c'est toute l'économie mondiale qui devrait pâtir. Dans cet univers déprimé, toute forte hausse des prix est invraisemblable. La valeur des actifs immobiliers a commencé à chuter en 2006 aux États-Unis. Elle débute sa descente en Europe, en Asie, au Moyen-Orient, en Russie. Les prix à la consommation, beaucoup plus inertes, devraient ralentir leur hausse, voire diminuer si la demande reste déprimée.De l'inflation à la déflationL'inflation est mesurée couramment par la hausse des prix à la consommation. Elle a connu une forte poussée dans le monde jusqu'au milieu des années 80, où l'effet des politiques restrictives, celle de la Réserve fédérale en particulier, a commencé à se faire sentir. Une forte inflation témoigne d'une demande soutenue ou d'un dérèglement de l'économie.La stagflation désigne l'association d'une forte poussée des prix et d'une croissance faible, comme le monde l'a expérimenté dans les années 70, après le choc pétrolier.La déflation signifie au contraire la baisse des prix des actifs (immobilier par exemple) et des biens. Elle a sévi au Japon dans les années 1990, et en Occident dans les années 1930. Elle signale un excès d'endettement et un déficit de la demande.
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