Mot à maux

Il y en a toujours un qui a mal quelque part. Depuis qu'on a été rachetés, l'entreprise s'est divisée en deux grandes sous-espèces : les adaptables qui se sont adaptés et les autres. Les autres se font violence pour venir au bureau. Ils n'arrivent pas à se faire au nouvel état d'esprit, à l'autre façon de travailler, au changement tout simplement.Ils ont bien essayé d'aller voir ailleurs mais les temps sont durs et les portes bien fermées. Chacun défend son territoire et son gagne-pain. Avec la crise, on se barricade, on se met au protectionnisme. Plus question de libre circulation des personnes. Chacun est à son poste et s'y accroche. Ce qui était choisi est de plus en plus subi ; ce qui était dit facilement est souvent retenu et mal digéré.On a toujours pu dire ce qu'on pensait et les grandes gueules avaient trouvé leur public. Mais c'était avant. Avant le rachat, avant la crise. Aujourd'hui, chacun retient son souffle.Avant, il y avait les bons mots lancés à longueur de journée. Aujourd'hui, il y a les petits maux qu'on entretient à longueur de travail : torticolis avec minerve, extinction de voix parfumées au sirop à l'eucalyptus, boutons de fièvre symptomatiques de vos affres.quand l'entreprise tousse...Nos petits maux servent au moins d'exutoire au stress et les plus touchés font durer leur douleur. Pour eux et pour leurs collègues. On s'apitoie, on se réfugie dans les bobos des autres pour ne pas trop penser aux siens. On est anesthésié à force de ne plus vouloir penser, à voir la réalité et s'enquérir de la santé d'un collègue maintient un minimum d'humanité. On est bien peu de chose et on pourrait facilement n'être plus rien. Si on l'avait oublié, l'entreprise solide, c'est un monde impitoyable, sans certitude. Ce qui était vrai hier peut devenir faux ce matin et vous coûter votre job.Quand l'entreprise tousse, tous les salariés s'enrhument. Ils ont mal au cou, au dos, au c?ur, à l'âme. S'ils trouvent autant de collègues compatissants, c'est que personne n'a envie d'avoir mal à l'entreprise. n
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