Une loi de santé en recul sur les intérêts des malades

Le Sénat vient de conclure le débat sur la loi « Hôpital, patients, santé, et territoires ». Au cours des semaines précédentes, la commission des Affaires sociales est revenue sur ce qui, dans le projet de loi, me semblait être des avancées dans l'intérêt des malades et de la qualité des soins. Ce recul n'est pas le fruit du hasard, il me semble donc utile d'analyser deux des modifications apportées et les raisons qui y ont conduit.La première est le retrait de la partie qui visait à rendre obligatoire une part d'activité au tarif remboursable ? donc sans aucun dépassement ?, quand un professionnel exerce au sein d'un établissement de santé en situation de monopole. La liberté d'honoraires aurait-elle une valeur supérieure à l'accès aux soins lorsque des patients doivent renoncer ou retarder des soins car ils n'ont pas les moyens de régler les dépassements, tandis que d'autres s'endettent pour y faire face ?La seconde modification est le renvoi à plus tard de la lutte contre ce qui est appelé « les déserts médicaux », comme s'il n'y avait pas urgence, au motif que la liberté d'installation ne saurait se plier aux besoins de soins. Pourtant, dans certains départements, des diabétiques ont les plus grandes difficultés à accéder à un ophtalmologue et, dans certains cantons, les généralistes « médecins de premier recours » deviennent rares, y compris dans des cantons bien pourvus en écoles et commerces. Ailleurs, la liberté d'installation génère une forte densité des professionnels, et l'on constate a contrario une multiplication d'actes par patient. En effet, la prise en charge des soins assurée par l'assurance-maladie ainsi que la dissymétrie d'information entre les parties font que le professionnel, surtout dans les zones sous-denses, peut en rajouter sans utilité, le malade étant toujours en attente. Comment ne pas s'interroger sur l'utilité de certains de ces actes dès lors que cette « surabondance » est coûteuse pour la collectivité ? Ces modifications ont pour moi deux raisons. L'une s'est exprimée dans la rue. Sous couvert de défendre l'hôpital ou la médecine libérale, des médecins ont obtenu le retrait de mesures qui commençaient à prendre en compte les difficultés des malades et des assurés sociaux. L'ambiguïté n'est plus de mise, la tartufferie a assez duré. Les intérêts des professions de santé ne coïncident pas nécessairement avec ceux des malades.La seconde raison tient à la représentation nationale. La commission des Affaires sociales du Sénat a très massivement reçu les représentants des professionnels de santé, mais beaucoup moins de représentants des malades. De plus, en observant les interventions au Sénat, on remarque que les principaux intervenants étaient majoritairement professionnels de santé avant d'être élus sénateurs. Et on y cherche en vain les élus ruraux ou plus largement ceux issus de la société civile.Il semble donc plus facile de s'opposer à un progrès dans la structuration du système de soins que de s'interroger sur les inégalités que génère l'organisation actuelle de la médecine basée sur les vieux principes de 1928 que sont les libertés d'honoraires, d'installation, de prescription et du paiement à l'acte. Mieux organiser les soins, en ville comme à l'hôpital, serait donc contraire à la déontologie telle que prônée par les Ordres médicaux. Ce ne saurait pourtant être le seul critère, n'oublions pas l'accès aux soins, la santé publique, la performance et la durabilité de notre système de santé, plus globalement la satisfaction des besoins de soins de la population. Il me semble donc encore temps de rappeler au législateur que l'égal accès à des soins de qualité a valeur constitutionnelle et que s'il est illusoire de vouloir faire de la médecine sans les médecins, ils ne doivent pas oublier que le but de la loi en débat est d'améliorer la santé de la population, et que cela mérite certes, dans un contexte difficile, des efforts de la collectivité, mais également et forcément des professionnels. nPoint de vue Michel Régereau, Président (CFDT) du conseil de la Caisse nationale d'assurance-maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).
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