« Nous créerons 10 millions d'emplois en Europe »

Daniel Cohn-Bendit, leader de la campagne des écologistes pour les élections européennes, appelle les électeurs à ne pas se déterminer par rapport à des enjeux de politique intérieure le 7 juin mais à privilégier le débat sur les propositions de fond, notamment sur l'emploi.Aux dernières européennes de 2004, les Verts avaient obtenu 7,5 % des voix. Quel est votre objectif pour le 7 juin ?Au niveau national, on devrait faire au moins 10 %. Mais je pense qu'on sera nettement au-dessus en Île-de-France.Et donc au-dessus du Modem ?C'est ce que j'espère. Par son positionnement proeuropéen, le Modem aurait dû mener campagne autour des enjeux de ces élections. Mais François Bayrou a choisi un autre axe : il prône le vote-sanction contre Sarkozy. Quelle erreur ! Ce n'est pas avec cet argument qu'il donnera envie à ses électeurs de se rendre aux urnes.Justement, à en croire les sondages, le plus grand risque, c'est l'abstention : comment, au c?ur de cette crise économique, peut-on mobiliser l'électorat autrement qu'en critiquant le pouvoir en place ?Avec des propositions concrètes. Notre contrat écologique pour l'Europe en compte 27. Nous proposons notamment l'organisation d'un « Bruxelles de l'emploi », dont l'objectif est de relancer l'économie par sa reconversion écologique. Prenons l'exemple de la filière automobile. Que chaque pays s'engage pour le sauvetage de son industrie nationale, cela n'a aucun sens. Si on veut maintenir une industrie automobile européenne, il faut mener une politique industrielle de transformation écologique de cette filière au niveau européen. Réunissons les constructeurs, les syndicats, les grandes organisations de défense de l'environnement pour qu'ils s'engagent ensemble à mener les grandes transformations nécessaires, pour décider des investissements qui permettront la production de voitures plus propres. Nous devons tout remettre à plat pour réinventer de nouvelles formes de mobilité durable : trouver des solutions pour que le fret de marchandises recoure de moins en moins aux poids lourds, et privilégier voies navigables et train.La mobilité durable implique des remises en cause de pans entiers de notre économie et donc plus de destructions que de créations d'emplois?Non, nous estimons qu'en investissant 200 milliards d'euros par an, soit 1.000 milliards sur cinq ans, nous créerons en Europe 10 millions d'emplois nouveaux. Ne serait-ce qu'en profitant de la réforme de la politique agricole commune [PAC] pour réinvestir dans l'agriculture durable et écologique, on peut créer dans ce secteur de 1,5 à 2 millions d'emplois dans toute l'Europe. Dans l'économie de l'habitat durable, le potentiel est de 1 à 1,5 million d'emplois. Si, par ailleurs, d'autres emplois sont amenés à disparaître, je pense que le solde sera supérieur à 7 millions. Et, pour les 2 ou 3 millions de personnes qui perdront leur emploi, nous proposons de mettre en place un bouclier social européen. Ces salariés bénéficieront d'un revenu de transformation afin qu'ils puissent se former à un nouveau métier.Avec la crise, les Français pointent du doigt les rémunérations des grands patrons. Êtes-vous également choqué ?D'abord je constate qu'on vit très mal les salaires de ces managers, mais qu'on ne dit rien sur ceux des vedettes du football, du cinéma, de la chanson ou de la télé. Alors que tout cela témoigne de la même folie. Notre société a perdu le sens de la valeur réelle des choses. Quelle logique y a-t-il à payer un manager d'entreprise 500 fois plus qu'une infirmière ? Dans notre programme, nous préconisons une très forte augmentation, par palier, de la fiscalité pour les revenus qui dépassent le seuil de 40 fois le salaire minimum. C'est le seul moyen de s'en sortir.Les meilleurs managers risquent d'aller travailler ailleurs?Qu'ils aillent ailleurs ! Ils ont foutu les banques dans le rouge, ils ont mis en l'air les grandes entreprises de l'automobile. En quoi sont-ils si extraordinaires ? Aujourd'hui, plus personne n'est responsable de la crise. Que s'est-il donc passé ? Dieu a eu mal à la tête et tout le monde est devenu dingue? On trouvera d'autres managers, plus jeunes. J'en ai assez d'entendre brandir en permanence la menace de l'évasion des cerveaux, comme celle des capitaux. Eva Joly [numéro deux sur la liste d'Europe Écologie en Île-de-France, Ndlr] propose une solution simple et efficace pour régler le problème des paradis fiscaux : instituons la double transparence. Si toutes les banques sont obligées de déclarer tous les mouvements de capitaux, les sommes qui sont créditées sur les comptes de leurs clients comme celles qui sont débitées, l'évasion fiscale n'est plus possible, et, en plus, on pourra s'attaquer au blanchiment de l'argent de la drogue et de la corruption. Personne n'a abordé ce sujet au G20.La crise peut-elle favoriser l'émergence d'un embryon de politique fiscale européenne ?Pour ce qui concerne la fiscalité sur les entreprises, cela mettra du temps car on ne peut pas négliger les besoins spécifiques des pays de l'Est, mais la convergence doit être notre but. En gardant à l'esprit que la défiscalisation à outrance, on le constate aujourd'hui, cela ne marche pas. Mais la première priorité, tant au niveau européen que national, c'est d'inventer une nouvelle fiscalité. Plutôt que d'augmenter la TVA qui est asociale ou de ponctionner les revenus du travail, nous souhaitons d'abord fiscaliser la circulation d'argent en créant une taxe Tobin intérieure : pour toute transaction financière ? depuis le retrait d'argent au distributeur jusqu'aux mégatransferts internationaux des entreprises, en passant par l'argent que la grande distribution fait travailler en jouant sur les délais de paiement de ses fournisseurs ? un prélèvement de 0,001 % serait opéré et reversé au budget des États. C'est simple à mettre en ?uvre, et cela ne pose aucun problème technique. Pour doter le budget européen de moyens supplémentaires, nous proposons aussi de créer une taxe sur les communications téléphoniques qui équivaudrait à 0,1 % du coût de chaque appel. Elle rapporterait 50 % du budget actuel de l'Union. Enfin, le troisième pilier, c'est la fiscalité écologique. Notre objectif final étant de réduire la pression fiscale sur les salaires et la consommation.Nicolas Sarkozy a redit la semaine dernière son hostilité à l'entrée de la Turquie dans l'Union. Partagez-vous son point de vue ?Comme Angela Merkel, Sarkozy propose un partenariat privilégié. Ce n'est pas la bonne façon de répondre à la demande de la Turquie. Laissons les négociations avec la Turquie se poursuivre. Il y en a pour une dizaine d'années. D'ailleurs, si Sarkozy évoque ce sujet, c'est pour des raisons électoralistes. Cela lui permet de donner des signaux à l'extrême droite. On a pas à dire oui ou non aujourd'hui. Le premier rêve européen fut le rêve du Rhin, le deuxième, le rêve de l'Oder et le troisième sera le rêve du Bosphore. Et quand il se réalisera, Sarkozy ne sera plus président de la République, mais PDG d'Areva et ravi de vendre des centaines de centrales nucléaires à la Turquie. ndaniel cohn-bendit, député vert européen
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