Le rachat de Merrill Lynch, un pari à long terme pour Bank of America

Eric Chalmet, correspondant à New York.Les actionnaires ont voté et « l'opportunité stratégique qui n'arrive qu'une fois dans une vie » est en passe de se cristalliser. D'ici à la fin décembre, Bank of America (Bofa) aura intégré Merrill Lynch, permettant à son PDG, Kenneth Lewis, de contrôler un établissement sans équivalent. « Lier la première société de gestion de fortune, de marchés de capitaux et de conseil (en fusion acquisition) à la plus grande banque de détail pour particuliers et entreprises permet de créer le premier établissement de services financiers au monde, d'une portée et d'une taille internationale inégalées », s'est félicité Lewis, vendredi, à peine les bulletins ont-ils été comptabilisés à New York et Charlotte (Caroline du Nord), où siègent respectivement Merrill Lynch et Bofa.Forte de 2.700 milliards de dollars d'actifs, la nouvelle entité dépassera par la taille les géants JPMorgan Chase et Citigroup. À Wall Street pourtant, les analystes se montrent très sceptiques sur le succès d'une telle fusion. Chez Citigroup, Keith Horowitz rappelle que la firme au taureau que s'apprête à avaler Bofa logeait encore 56 milliards de dollars « d'actifs hautement risqués » dans son bilan à la fin du trimestre dernier. L'expert estime qu'à elles deux, les deux banques devraient passer 5,1 milliards de dollars de dépréciations supplémentaires au quatrième trimestre. vente précipitéeLes actionnaires de Bofa, dont beaucoup déplorent toujours la récente reprise pour 4 milliards de dollars du géant du crédit hypothécaire Countrywide Financial, espèrent que l'acquisition de Merrill Lynch finira par tenir ses promesses. Capitalisée à hauteur de 50 milliards de dollars lors de l'opération réalisée en titres le 14 septembre dernier, Merrill Lynch ne vaut plus que la moitié. La générosité de Bofa, qui avait offert une prime de 70 % sur le titre Merrill Lynch, avait surpris Wall Street. D'autant que la vente avait été précipitée par la faillite de Lehman Brothers le même week-end.« Kenneth Lewis a davantage rendu service au Trésor et à la Réserve fédérale qu'à ses actionnaires », ironise Christopher Whalen, directeur du cabinet Institutional Risks Analytics. « Il faut espérer que John Thain (le PDG de Merrill Lynch), l'une des personnalités les plus compétentes de Wall Street, ait fait l'essentiel du ménage dans le bilan, mais comment le savoir avec l'exposition si importante qui est celle de l'établissement dans les dérivés de crédits et le subprime ? », s'interroge l'analyste.Les opérateurs de marché estiment que pour dégager les 7 milliards de dollars de synergies annuelles promises par Lewis, Bofa procédera à une vaste restructuration du nouvel ensemble. Des sources internes ont confié au « Wall Street Journal » que pour y parvenir, Lewis y supprimera 25.000 à 30.000 postes. Chez Ladenburg Thalmann, Richard Bove anticipe 10.000 licenciements chez Merrill Lynch. Des perspectives que refuse de commenter le siège de Bofa.Dans un contexte où les courtiers de Merrill Lynch ne sont pas en mesure de changer facilement d'établissement, les analystes ne redoutent pas de chocs liés aux cultures disparates des deux groupes. Ils craignent en revanche l'impact de la récession qui s'amplifie aux États-Unis sur les activités de banque de détail de Bofa et de gestion de fortune de Merrill Lynch, considérée par Kenneth Lewis, comme sa pépite. En 2001, lorsque le marché actions s'est effondré, les résultats avant impôts de cette division ont chuté de près de 40 %. Dans ce contexte, John Thain devra peut-être à nouveau renoncer à son bonus annuel en 2009. n
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