Le patron du BBVA appelle à une « reconversion industrielle » bancaire

Propos recueillis par Thierry Maliniak, à MadridParmi les 25 premières banques du monde, nous sommes les seuls à n'avoir dû recourir ni aux aides publiques, ni aux aides privées par le biais d'une augmentation de capital à un prix inférieur à celui du marché. » Francisco Gonzalez, dans l'entretien qu'il a accordé à « La Tribune », se veut satisfait de la résistance démontrée face à la crise par l'établissement qu'il préside depuis 2000, le BBVA (Banco Bilbao Vizcaya Argentaria). Une résistance qu'il étaye en invoquant non seulement les résultats du groupe (un bénéfice de 5 milliards d'euros en 2009 et de 1,24 milliard au premier trimestre de 2009), mais aussi et surtout un ratio entre résultat d'exploitation et actifs totaux de 2,08, le plus élevé parmi toutes les grandes banques mondiales, assure-t-il, ce qui témoigne de la forte capacité de la banque de dégager du cash-flow à partir du résultat récurrent.Par ailleurs, indique-t-il, le taux de créances douteuses et impayées du BBVA, qui était de 2,8 % au 31 mars, reste inférieur à la moyenne du secteur? même s'il augmente rapidement, puisqu'il n'était encore que de 1,1 % un an plus tôt.trois principesSelon Francisco Gonzalez, la crise a renforcé le modèle de gestion que défend le BBVA. « Nous avons toujours affirmé que nos décisions devaient être basées sur trois principes : être légales, moralement acceptables, et rendues publiques. Nous n'assumons des risques que s'ils sont transparents et connus par les marchés. C'est aux antipodes du modèle qui a provoqué le désastre : celui de la multiplication des produits exclus de la comptabilité et se basant sur un effet de levier irrationnel : des produits basés sur 8 % de capital et 92 % de dette, et recommandés par les mêmes agences de rating qui les avaient façonnés. Et tout cela en profitant de l'insuffisance tant de la réglementation que de la supervision. »Et d'ajouter : « La crise a démontré que, dans le secteur financier, l'éthique, en fin de compte, est rentable. Et que, notamment, se montrer le plus strict possible face au danger de conflit d'intérêts est payant. Un exemple concret : parmi les cinq membres qui forment notre commission d'évaluation de risques, à peine un seul a par ailleurs des fonctions exécutives. Pourquoi ? Parce lorsqu'un directeur exécutif évalue un risque, il risque d'être influencé par la perspective du bonus, et donc de ne pas faire preuve de la rigueur nécessaire. »C'est ce même souci de prudence qui explique, selon son patron, que le BBVA refuse de se lancer dans une course aux acquisitions malgré la brutale chute de la capitalisation boursière de nombre d'entités. « Ce n'est pas le moment de croître de manière inconsidérée en pensant davantage à acheter qu'à gérer. On a pu constater ces derniers temps comment les politiques de croissance inconsidérée pouvaient mener à la faillite d'un établissement. Acheter à bas prix est un concept relatif : il faut non seulement prendre en considération le prix payé pour un actif mais aussi combien de risques et d'impayés potentiels se cachent derrière cet actif. »expansion à petites dosesFrancisco Gonzalez n'exclut pas pour autant que le BBVA puisse poursuivre sa politique d'expansion internationale, mais à petites doses. Il observe avec intérêt le marché américain : « Nous sommes entrés aux États-Unis depuis le Mexique [Ndlr, où le BBVA est puissamment installé avec sa filiale Bancomer] et nous avons constaté que, dans ce pays, le système bancaire de détail était encore peu sophistiqué. Il y a donc là un potentiel pour nous renforcer. Néanmoins, il faut attendre que s'éclaircissent les intentions du gouvernement américain concernant les établissements où il est intervenu directement. »Le patron de l'établissement ibérique est toutefois plus réservé quant aux perspectives à court terme en Europe, où « chacun s'est surtout occupé, face à la crise, de s'en sortir de son côté, ce qui s'est traduit par une pause dans le processus de globalisation financière ».vers un modèle mixteEt Gonzalez conclut : « Le grand défi du secteur financier, désormais, est sa reconversion industrielle, et notamment la réforme de notre système de distribution de produits aux particuliers. C'est un thème sur lequel nous nous penchons depuis plusieurs années avec d'autant plus d'attention que les activités de détail sont fondamentales dans notre chiffre d'affaires, davantage que chez la plupart de nos concurrents. Nous allons vers un modèle mixte, basé sur deux canaux : l'agence et Internet, où un même client passera d'un canal à l'autre. Et dans ce contexte, les banques doivent être à même d'offrir, grâce à l'informatique, un service plus pointu. Prenez l'exemple d'un médecin de 35 ans qui vit en zone urbaine, possède une Audi, et souhaite acheter à crédit un nouveau véhicule : nous pouvons lui offrir une information comparée sur le segment de population qui présente un profil semblable au sien, en matière de relation à la banque et de recours au crédit. C'est là le grand défi futur. Ceux qui ne font pas leurs devoirs dans ce domaine ne feront partie ni de la liga européenne ni de la liga mondiale. » n
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