Bercy veut faire revenir en France les pétrodollars

Arabie Saoudite, Bahreïn, Koweït, Émirats arabes unis, Qatar, Oman, Kazakhstan, la récente tournée à l'étranger d'Anne-Marie Idrac, la secrétaire d'État chargée du Commerce extérieur, a été plutôt sélective, particulièrement concentrée sur les pays producteurs de pétrole. Des pays où les parts de marché de la France n'ont cessé de s'éroder depuis la fin des années 1990. Un exemple ? Selon la mission économique de la région des pays du Golfe, celle-ci est passée de 5,2 % à 3,8 % entre 1998 et 2006 en Arabie Saoudite.gisement d'opportunités Cette attention particulière ne doit rien au hasard. En effet, cette tournée reflète la volonté d'Anne-Marie Idrac de récupérer pour le commerce extérieur français une partie des sommes englouties dans la facture énergétique, une facture qui passerait de 45,4 à 56,4 milliards d'euros entre 2007 et 2008 selon les estimations du projet de budget 2009. « La flambée du prix du pétrole observée depuis le début des années 2000 constitue un transfert de revenu des pays importateurs de pétrole vers les pays exportateurs. Mais l'effet négatif de ce prélèvement sur l'activité des pays importateurs peut être en partie compensé par un surcroît de demande provenant des pays producteurs, un phénomène appelé ?recyclage commercial? des pétrodollars », précise le rapport économique et financier annexé au dernier projet de budget. Un exercice qui ne réussit pas si mal à la France. En effet, alors que le taux de recyclage des États-Unis ne dépasse pas 30 %, la France « récupère » auprès des pays producteurs de pétrole 50 % de sa facture énergétique. Mais elle arrive loin derrière l'Allemagne dont le taux de recyclage dépasse les 100 %. L'objectif est donc de faire mieux, notamment dans les pays du Golfe. « Historiquement, la France a des liens diplomatiques et économiques très étroits avec ces pays. Il faut en profiter car cette zone a un double avantage : elle est stable politiquement et constitue un gisement immense d'opportunités pour nos entreprises, notamment dans le domaine des infrastructures », explique-t-on à Bercy. Une paire d'atouts qui exclut de facto les pays plus risqués politiquement comme le Venezuela ou le Nigeria, tout simplement dangereux. Dans le domaine des infrastructures, notamment dans les transports, les besoins sont énormes. En Arabie Saoudite, la France est dans la course pour réaliser une ligne ferroviaire reliant les lieux saints du royaume, Médine, La Mecque et le port de Djedda. Des projets de construction ou d'extension de métro sont également en cours de gestation dans la plupart des capitales de la région. De son côté, Vinci fait partie du consortium chargé de construire le pont de 40 kilomètres entre le Qatar et Bahreïn. Dans le nucléaire civil, les opportunités sont également nombreuses, les six « pétromonarchies » du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ? Arabie Saoudite, Émirats arabes unies, Bahreïn, Qatar, Oman et Koweït ? souhaitant maîtriser cette technologie. Là encore, la France souhaite avancer ses pions, quitte à ce que Nicolas Sarkozy se déplace en personne pour vanter l'excellence française dans ce domaine, comme ce fut le cas en décembre 2007 en Algérie et en Libye puis en janvier dernier en Arabie Saoudite et au Qatar. Dans l'environnement, nos champions sont aussi sur les rangs. Dans le recyclage des déchets, le traitement de l'eau et la désalinisation de l'eau de mer, des entreprises comme Veolia Environnement ou Suez sont dans la course aux grands contrats.Bercy confiantTisser des liens culturels avec ces pays fait également partie de la stratégie de séduction de la France. Une antenne du Louvre ouvrira ses portes à Abou Dhabi (Émirats arabes unis) en 2012. L'université et les grandes écoles sont également rentrées dans le jeu. Suivant l'exemple de la Sorbonne, le Celsa et l'Insead ont ouverts des antennes à Abou Dhabi. La récente chute des cours du brut est-elle de nature à ralentir la boulimie des pays pétroliers ? À Bercy, on reste confiant. « Ces pays ont des réserves importantes de pouvoir d'achat. Par ailleurs, anticipant la fin de l'ère du pétrole, ils souhaitent développer d'autres relais de croissance, notamment dans l'économie de la connaissance, le tourisme ou encore le secteur aérien. La concurrence est féroce mais la France a des cartes à jouer. »
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