« Rhodia dispose d'une visibilité faible sur 2009 »

Vous annoncez ce matin l'acquisition de McIntyre. De quoi s'agit-il??Nous rachetons, pour un montant d'environ 100 millions de dollars, la société américaine McIntyre, spécialisée dans les tensio-actifs pour la cosmétique, la détergence et l'extraction pétrolière. Avec un chiffre d'affaires estimé à 146 millions de dollars pour 2008, elle viendra compléter nos activités similaires réunies au sein de notre entreprise Novecare. Cette acquisition, réalisée en utilisant nos disponibilités de trésorerie, illustre notre stratégie de croissance rentable dans les activités sur lesquelles nous sommes leader. Les synergies, réalisées dès la première année d'activité commune, concernent les ventes, la logistique et les achats. Elles devraient permettre de doubler l'excédent brut d'exploitation (Ebitda) de cette activité à l'horizon 2011.Pourquoi réaliser cette opération en pleine crise??Nous souhaitions renforcer notre portefeuille d'activités par des opérations de croissance externe ciblées. La crise fait aussi émerger des opportunités qu'il faut savoir saisir et cela nous a paru d'autant plus pertinent que notre situation financière nous le permet. Au 30 septembre 2008, notre dette nette s'élevait à 1,45 milliard d'euros. Mais nous disposons de plus de 500 millions d'euros de disponibilités et 600 millions d'euros de lignes de crédit confirmées. De plus, nos échéances financières sont encore lointaines : nous nous sommes refinancés au printemps 2007 dans d'excellentes conditions et bénéficions d'un coût moyen de nos ressources financières de 5 %. Je n'ai donc aucune préoccupation financière à ce jour. La tendance de certains grands groupes généralistes à vouloir pénétrer le segment de la chimie de spécialités constitue-t-elle le signe avant-coureur d'une consolidation du secteur??Comme on peut le constater avec Dow Chemical-Rohm & Haas ou Hexion-Hunstman, les opérations se réalisent avec difficulté. Notamment parce que la problématique du financement reste prépondérante. Je ne vois donc pas là le prélude à un mouvement de consolidation du secteur. Quant aux acteurs des pays émergents, ils ont aujourd'hui d'autres défis à relever, comme le montre l'abandon du projet de joint venture entre Dow et son partenaire koweïtien. Début décembre, vous avez abaissé vos objectifs de rentabilité 2008 (Ebitda récurrent inférieur d'environ 10 % au niveau de 2007). Comment se présente ce début d'année??Nous avons effectivement constaté une baisse brutale de la demande entre le 15 novembre et la fin décembre, due à la fois à la chute de la demande sur les marchés de nos clients ? nous réalisons 20 % de nos ventes directes et indirectes sur le marché automobile ?, à leur volonté de réduire leurs stocks et aux anticipations déflationnistes sur les prix des matières premières. Nous sommes en phase de redémarrage progressif de l'activité sur nos différents sites de production. Toutefois, nous disposons d'une visibilité encore faible sur 2009. Nous sommes donc contraints à une gestion de court terme. Pour nous adapter au niveau de la demande, nous comptons recourir le plus longtemps possible à des mesures conjoncturelles (congés, chômage partiel?) mais n'excluons pas des mesures structurelles si la reprise se fait trop attendre. Nous pensons que le premier trimestre sera médiocre et ne sommes pas très optimistes pour le deuxième. La question est de savoir si la reprise économique interviendra à l'été ou seulement en 2010.Comment voyez-vous évoluer votre facture énergétique et de matières premières??Le coût lié à la hausse du prix des matières premières et de l'énergie aura été d'environ 300 millions d'euros en 2008. Cela correspond au haut de la fourchette de 200 à 300 millions d'euros annoncée en début d'année. Ce surcoût a été intégralement répercuté sur nos prix de ventes. Nous devrions assister à une nette diminution des prix au premier trimestre, que nous répercuterons à nos clients. D'une manière générale, nous devrions continuer de montrer notre capacité à neutraliser l'impact des fluctuations des cours des matières premières sur nos résultats.Comment s'annonce l'exercice en cours ?Il est difficile de donner des indications précises dans un contexte aussi perturbé. Nous gérerons trimestre après trimestre, avec beaucoup d'attention portée à l'optimisation de la marche de nos usines, de nos dépenses courantes et de nos investissements. Notre objectif étant de dégager une trésorerie positive. Et bien sûr, nous continuerons la mise en ?uvre de notre stratégie comme nous le montrons aujourd'hui. Côté judiciaire, pourquoi avoir fait appel de la décision du tribunal de commerce de Nanterre exigeant le remboursement des indemnités de départ de Jean-Pierre Tirouflet ? Où en sont les poursuites d'Invista pour « vol » de technologie??Nous ne comprenons pas la décision du tribunal de commerce, qui nous paraît incohérente. Quant à Invista, pour l'heure, toutes les procédures intentées contre nous se sont soldées par une décision favorable à Rhodia.Des incertitudes demeurent sur l'attribution des certificats carbone à partir de 2012. Comment appréhendez-vous cette situation alors que des remboursements d'emprunts obligataires arrivent à échéance entre 2013 et 2014??Les projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre constituent aujourd'hui un métier à part entière de Rhodia. Sa contribution à l'Ebitda devrait être supérieure en 2008 à celle de 2007 (135 millions d'euros). Nous réfléchissons d'ores et déjà aux relais de croissance qui permettront de remplacer cette activité si certains de ces projets ne devaient pas être renouvelés au-delà de 2013. L'objectif de développer des activités générant un Ebitda équivalent nous semble réaliste. Le fait pour Rhodia d'avoir été un précurseur en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre constitue un réel avantage pour trouver d'autres projets qui viendront prendre la suite de ceux développés au Brésil et en Corée. Quant au refinancement de notre dette, nous pouvons espérer que le marché du crédit aura retrouvé un fonctionnement normal d'ici à 2013 ! Propos recueillis par Audrey Tonnelier, Fabio Marquetty et Michel Cabirol
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