Kenneth Feinberg travaille pour le bien public. Il remp...

Kenneth Feinberg travaille pour le bien public. Il remplit sa fonction bénévolement, comme il l'avait fait auprès des endeuillés du 11-Septembre.À part peut-être en temps de guerre, aucun officiel américain n'a disposé d'autant de pouvoir sur des entreprises privées que Kenneth Feinberg. L'intitulé de sa fonction est déjà tout un poème : Special Master for Compensation. Comment traduire ça ? Grand maître des salaires et avantages ? Délégué spécial à la maîtrise des émoluments ? Maître des bonus ? Depuis sa nomination le 10 juin par Timothy Geithner, le secrétaire au Trésor, la presse américaine l'a surnommé « le tsar des rémunérations ». Ce monsieur distingué à l'accent bostonien se récrie : non, non, il n'est pas un tsar, ce qui supposerait qu'il édicte des oukazes. Sa spécialité à lui est la conciliation. Il n'empêche, Kenneth Feinberg est chargé par le gouvernement des États-Unis de superviser la politique de rémunération des sept entreprises qui ont reçu plus de 500 millions de dollars d'aides fédérales. Excusez du peu, rien que des géants mondiaux : Bank of America, Citigroup, l'assureur AIG, General Motors, Chrysler et les filiales financières des deux constructeurs, GMAC et Chrysler Financial. Dans chaque entreprise, il aura son mot à dire sur ce que touchent les cinq plus hauts dirigeants et les vingt salariés les mieux payés, ceci pour inclure les bonus des traders. En tout 175 personnes que leur trajectoire avait préparées à tout sauf à discuter de leur fiche de paie avec un représentant du Trésor.L'administration Obama a trouvé ce stratagème pour ne pas avoir à faire voter une loi couperet. Depuis le début, le président répugne à s'immiscer dans les affaires du secteur privé. Il s'est contenté de gesticulations à chaque fois que le niveau d'exaspération de l'opinion dépassait la cote d'alerte. Tel a été le cas en mars 2009, quand la presse a révélé qu'AIG, après avoir englouti 180 milliards de dollars d'aide publique, avait payé 165 millions de bonus à ses cadres dirigeants. Recevant les principaux banquiers et assureurs du pays, Barack Obama les a sévèrement mis en garde : « Faites attention, messieurs, il n'y a plus que mon administration entre vous et les fourches ! » Mais quand la Chambre des représentants a voté un texte pour taxer à 90 % les fameux bonus, le président s'est arrangé pour que le Sénat ne suive pas. Par prudence ou par tactique, Obama ne veut pas être celui qui a changé autoritairement les règles du jeu. Cette attitude n'est pas sans rappeler celle du gouvernement français. Nicolas Sarkozy reçoit les patrons des banques, leur fait la morale, les oblige à renoncer pour un an ou deux à leurs bonus, mais fait tout pour éviter d'en passer par la loi. C'est d'ailleurs un simple décret, le 30 mars 2009, qui règle la question « jusqu'à fin 2010 » pour les entreprises publiques ou aidées par l'État.La grosse différence entre la France et les États-Unis, c'est Kenneth Feinberg. Cet avocat n'est pas n'importe qui. Il a longtemps travaillé pour le sénateur Ted Kennedy. Mais c'est à lui que le président George W. Bush a fait appel pour déterminer le montant des indemnités versées aux familles des 3.000 victimes des attentats du 11-Septembre ? afin d'éviter les procès intentés à l'État. Une épreuve humaine terrible, dont il s'est tiré avec les honneurs en à peine un an. C'est encore lui qui a trouvé le juste prix pour une pièce historique : le film de 26 secondes tourné au moment de l'assassinat de John Kennedy par Abraham Zapruder, que les pouvoirs publics ont racheté à ses héritiers.Chacun salue en lui l'arbitre et l'organisateur. Mais Kenneth Feinberg a une autre particularité : il travaille pro bono. Cela ne signifie pas « pour un bonus », comme le penserait quelque trader étourdi. Cette locution latine employée fréquemment en anglais est la contraction de « pro bono publico », pour le bien public. Autrement dit, le Special Master for Compensation remplit sa fonction bénévolement, comme il l'avait fait auprès des endeuillés du 11-Septembre.Quand Vikram Pandit, le patron de Citigroup (38 millions de dollars de rémunération en 2008), Kenneth Lewis, le directeur général de Bank of America (9 millions), et Fritz Henderson, le DG de General Motors (8,7 millions), viendront négocier dans le bureau 1310, au siège du Trésor à Washington, ils auront devant eux un homme courtois aux vues larges. Bien plus : l'incarnation d'une notion oubliée, l'intérêt général. Sophie Gherardi Demain : Que sont-ils devenus ? L'avocat américain Kenneth Feinberg est chargé par le gouvernement des États-Unis de superviser la politique de rémunération des sept entreprises qui ont reçu plus de 500 millions de dollars d'aides fédérales.
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