Sélection naturelle

La violente crise financière de ces quinze derniers mois ne marque pas seulement le grand retour de l'État et des nationalisations. Elle n'enterre pas simplement le non-interventionnisme, cette " idéologie dépassée ", si l'on en croit le Premier ministre britannique, Gordon Brown. Elle signifie aussi le triomphe, aux États-Unis comme en Europe, d'un certain type d'établissements financiers. Celui que les Américains appellent les " conglomérats bancaires " et les Français, la " banque universelle " : ces établissements financiers multimétiers, mais s'appuyant sur un réseau de détail important, collecteur des dépôts des épargnants. Outre-Atlantique, l'adossement hier de l'aristocratique Morgan Stanley au roturier japonais Mitsubishi UFJ marque l'effacement durable des cinq anciennes " stars " de Wall Street. Ces banques d'affaires, à qui l'on devait la sophistication extrême de la finance - celle des activités de marché, des produits structurés, titrisés ou, encore, dérivés... Celles aussi où se sont inventées les plus extravagantes rémunérations de la planète. Racheté, Bear Stearns par JPMorgan Chase ; repris Merrill Lynch par Bank of America ; disparu Lehman Brothers. Ce Wall Street-là n'a plus qu'un représentant, Goldman Sachs, sauvé in extremis par ses deux protecteurs, le secrétaire américain au Trésor, Henry Paulson - un ancien de la banque -, et un milliardaire ami, Warren Buffett. Mais Goldman Sachs n'est plus que l'ombre d'elle-même, avec une capitalisation boursière revenue en un an de 105 milliards de dollars à moins de 45. Les banques qui donnent le " la ", désormais, sont celles ayant des agences, des bilans, des fonds propres, ce matelas " qu'elles peuvent perdre sans se perdre ", pour reprendre l'expression d'un banquier. Celles qui ont su à la fois demeurer prudentes et grandir à temps, comme Santander en Amérique latine et en Grande-Bretagne, BNP Paribas en Italie, JPMorgan Chase, Bank of America ou encore Wells Fargo outre-Atlantique. Sur ce modèle du conglomérat, les plus gros, même malades du " subprime " comme l'américain Citi ou le suisse UBS, ont gagné leur survie, fût-ce au prix d'un déclassement. Les autres, les petits, n'ont d'autre choix qu'attendre des jours meilleurs, ou, éventuellement, passer par la case nationalisation. La crise a opéré une sélection. Pas forcément naturelle, mais impitoyable.
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