Eugenio Minvielle dépoussière Nestlé France

Serein mais attentif. Depuis quelques semaines, Eugenio Minvielle étudie de près les différents scénarios d'action pour répondre aux conséquences de la crise économique sur son secteur. " L'impact sur la confiance des consommateurs est déjà bien réel ; nous avons besoin d'anticiper nos actions à venir ", déclare ce PDG mexicain à l'accent chantant. Jusqu'à maintenant, l'homme était resté très discret, sortant tout de même du bois le mois dernier pour présenter sa fondation pour la nutrition. Mais, contexte économique aidant, il ose désormais parler de sa stratégie. Dans les jours à venir, il portera son attention sur le business hors foyer, qui commence déjà à donner des signes de faiblesse. Mais dans l'ensemble, il gardera le cap de sa stratégie baptisée " Route du succès " et mise en place depuis son arrivée à la tête de la filiale française il y a quatre ans.À l'époque, le patron du groupe Peter Brabeck l'a nommé à la place du Suisse Andreas Schläpfer pour sortir la filiale d'une situation difficile. Le chiffre d'affaires était en baisse de 4 %, à 6,2 milliards d'euros, l'entreprise perdait des parts de marché dans plus de la moitié de ses activités, et les marges, d'à peine plus de 10 %, décevaient les analystes. Sans parler des usines, souvent peu productives et connues pour leurs conflits sociaux. Quatre ans plus tard, tout a changé. Nestlé France entame sa troisième année de croissance. Les ventes 2008 sont estimées par les analystes à plus de 8 milliards d'euros et la marge à 14 %. Grâce aux hausses de prix conséquentes passées ces dernières années, disent les mauvaises langues. Bien plus sûrement parce que ce jeune patron de 44 ans a fait souffler un grand vent de modernité sur le groupe suisse.LES SEPT RESCAPESDès son arrivée, il a allégé le top management de l'entreprise. Seulement sept des treize membres de son comité de direction ont conservé leur fauteuil. " Je voulais montrer l'exemple ", explique-t-il, laconique. Exit donc les tièdes ou les encroûtés. Le patron a fait venir des femmes et des profils internationaux, imposé l'anglais comme langue de travail - même si lui prend des cours accélérés de français - et prié ses proches directeurs d'évacuer leurs bureaux du beau moulin à eau historique du siège de Noisiel (près de Paris) pour en faire le nouveau centre d'accueil des visiteurs.Le message est clair : ce sont désormais les consommateurs et les clients qui sont au centre de l'attention, pas les ego internes. D'ailleurs, finies aussi les équipes commerciales qui travaillaient chacune dans leur coin. Elles sont maintenant regroupées sous une direction générale commerciale pour parler d'une seule voix aux distributeurs. Et lorsqu'il faut défricher de nouveaux terrains - Nestlé développe en ce moment des produits hallal et casher -, Eugenio Minvielle n'hésite pas à détacher des petites équipes, format start-up, sur le modèle indépendant de Nespresso. " C'est beaucoup plus créatif et réactif ", commente ce père de deux enfants.Avec lui, seuls les investissements, qui donnent des résultats tangibles, sont autorisés. Mieux vaut donc ne pas se disperser. Comme Danone ou Procter & Gamble, Nestlé se focalise aujourd'hui sur quinze de ses meilleures marques (parmi lesquelles Nescafé, Nestlé Dessert, Herta, Maggi, Guigoz), appelées à être les moteurs de la croissance. L'ensemble des gammes a aussi été retravaillé pour répondre au fameux concept de 60/40+ imposé par le siège suisse : chaque produit doit être préféré par au moins 60 % des consommateurs et doit apporter un plus nutritionnel.CAP SUR DES POLES D'EXCELLENCELes usines sont priées de suivre le nouveau rythme. Malgré sa bouille de premier de classe, Eugenio Minvielle n'est pas un tendre. Il a réglé l'essentiel des grands conflits - Saint-Menet (chocolat), Vergèze (Perrier) ou Dijon (Lion, Nuts) -, vendu ou restructuré les unités de production peu rentables. Son ambition est de faire des trente usines restantes des pôles d'excellence qui produisent pour toute l'Europe. Celle d'Épinal, spécialisée dans les petits pots pour bébé NaturNess, ou celle de Dieppe dans le nouvel expresso soluble Nescafé sont déjà dans ce cas. " C'est un peu comme les Jeux olympiques, s'amuse Eugenio Minvielle, on doit défendre son dossier de candidature auprès du siège pour remporter le droit de produire pour toute l'Europe, et lorsque l'on gagne, c'est la France qui gagne. " À la clé : innovation, croissance et emploi. Le meilleur antidote face à la crise.HistoriqueIssu d'une riche famille mexicaine, Eugenio Minvielle a 23 ans, en 1987, lorsqu'il commence à vendre du café chez Nestlé, au Mexique. Après un MBA à Harvard en 1991 et des expériences en marketing chez Canon Japon et Procter & Gamble à Madrid, il revient chez Nestlé en 1994, pour exercer des fonctions commerciales puis prendre la direction des filiales du Mexique et du Venezuela, avant d'être nommé PDG de Nestlé France en 2004.
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