Pas d'amélioration avant l'été

Si ceux qui pronostiquaient un baril de pétrole à 200 dollars au début de l'été font figure d'escrocs quand celui-ci se négocie à peine plus du cinquième de cet objectif, il n'est pas plus aisé de dresser des scénarios en rupture avec le climat délétère de ces dernières semaines que de tenter de prolonger des courbes jusqu'au ciel comme la tentation est trop souvent présente dans le travail des stratèges et des analystes financiers. La prudence et l'humilité dominent maintenant. La faillite de Lehman Brothers le 15 septembre dernier marque une cassure dans le rythme de la crise. Ce jour-là, tout s'est arrêté. La crise qui n'était perçue que sur les marchés financiers et dans les banques a brutalement fait irruption dans les entreprises et sur le marché de l'emploi. Les analystes, qui tardaient à rabaisser leurs estimations de bénéfices, tentent de rattraper leur retard mais restent très en deçà des attentes qui ressortent des scénarios macroéconomiques. Reste à savoir si les indices boursiers, les taux d'intérêt, les changes ou les matières premières n'ont pas de leur côté surréagi. Un marché des changes qui retrouve ses marques L'année 2008 a été celle de tous les désordres et retournements de tendance. Le millésime 2009 devrait prolonger les tendances récentes. Le consensus des économistes fait ressortir un cours du dollar autour de 1,25 pour 1 euro en fin d'année et une parité du yen de 100 pour 1 dollar. Les deux monnaies s'accrocheraient donc à leurs gains récents. En revanche, les monnaies matières premières et émergentes poursuivraient leur dépréciation, victime de la dégradation hors du G7. C'est ainsi que les difficultés de la Russie et de son rouble risquent d'intensifier les pressions sur les monnaies des pays de l'Est. Et que les monnaies des exportateurs de pétrole risquent d'être emportées dans la tourmente, du Moyen-Orient au Mexique. La forte correction en baisse déjà intervenue sur les monnaies émergentes n'en serait qu'à mi-parcours, selon Stephen Jen, le stratège changes de Morgan Stanley. Des taux mondiaux proches de zéro Les marges de man?uvre des grandes banques centrales sur leurs taux sont maintenant réduites comme peau de chagrin. Les taux directeurs de la Banque du Japon, de la Fed américaine et de la Banque Nationale Suisse sont tombés à un niveau voisin de zéro. La Banque d'Angleterre, dont la politique monétaire a été très agressive, dispose encore d'une marge pour réduire de moitié le loyer de l'argent, actuellement de 2 %. Seule la Banque centrale européenne, dont le taux directeur s'élève encore à 2,5 %, a les mains libres. Mais rien ne permet d'affirmer qu'elle aura l'audace de laisser tomber le taux de refinancement jusqu'à 1,5 %, seuil sur lequel la majorité des économistes le voit refluer. Une chose est sûre : la remontée des taux sera très rapide une fois passé l'orage économique et financier. Pas de remède miracle pour le marché du crédit La liquidité a déserté le marché du crédit et la chute du prix des actifs a été tellement violente qu'elle laissera probablement des traces pendant des années. Les institutions financières ne devraient pas avoir de difficultés à trouver des fonds l'année prochaine, car elles ont désormais la possibilité d'émettre de la dette garantie par l'État. La situation des entreprises est plus problématique. Même si nombre d'entre elles ont réussi à placer des emprunts obligataires dans les dernières semaines de l'année, le marché reste difficile, les investisseurs plus sélectifs et elles doivent désormais payer beaucoup plus cher pour lever de la dette. Les entreprises ayant du mal à refinancer leur dette et à honorer leurs engagements, le taux de défaut des plus fragiles d'entre elles augmentera fortement. Patience sur les actions La récession, les difficultés de financement devraient peser sur les résultats des entreprises, attendus en net repli aux États-Unis comme en Europe. Et peut-être même jusqu'en 2010. Mais le marché n'attendra pas la fin de la récession pour repartir. Beaucoup espèrent un mieux en seconde partie d'année. Les objectifs pour fin 2009, fort épars, laissent même entrevoir un rebond de 18 % sur l'indice américain S&P 500 (en moyenne) et de 8,7 % sur le CAC 40. Mais ces prévisions cachent des anticipations bien plus sombres en cours de route. Elles sont en outre conditionnées à la stabilisation du marché immobilier américain, un mieux sur le marché du crédit et au ralentissement du processus d'ajustement de l'effet de levier. La volatilité devrait rester de mise. Les matières premières agricoles se démarquent La forte récession attendue dans les pays de l'OCDE et le ralentissement anticipé ailleurs ne peuvent que sévèrement affecter la demande d'énergie et de métaux, et leurs prix devraient donc continuer leur glissade. D'autant que, à 50 dollars le baril, le pétrole flirte encore avec des niveaux de prix historiquement élevés. À l'inverse, beaucoup de matières premières sont aujourd'hui largement en dessous de leurs prix moyens de longue période, comme le coton, le café ou le palladium. Voilà qui pourrait permettre au secteur de regagner quelque crédibilité en 2009. Les matières premières agricoles, qui ont souvent évolué en contre-courant en phase de récession, présentent un profil légèrement plus engageant. Tout simplement en raison de leur sensibilité à un aléa qui se rit de la croissance : la météo. Après des récoltes particulièrement fastes, il semble statistiquement peu probable que le soleil brille partout dans le monde sur le blé, le soja et le maïs en 2009.
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