La récolte décevante du grand barnum écologique

Agissez maintenant », les calicots brandis par les militants des ONG environnementalistes n'ont pas été entendus par les dirigeants politiques qui participaient à la grande conférence de l'ONU sur le climat, achevée dans la nuit de vendredi à samedi à Poznan. Aucune grande décision n'a été prise lors de cette grand-messe annuelle (voir encadré). Les ONG y ont vu un échec. D'autres une maigre moisson de « petites ouvertures », germes de succès futurs, en particulier lors du sommet que réunira Ban Ki-moon, le secrétaire général de l'ONU en marge de l'assemblée générale en septembre.curiosité ?anthropologique Pour les 600.000 habitants de la paisible ville de l'ouest de la Pologne, ce grand barnum relevait surtout de la curiosité anthropologique. « Impossible d'avoir une idée du nombre des réunions qui se sont tenues », admet un porte-parole. Et pour cause?: entre les rencontres officielles et les rendez-vous plus discrets, les conférences plénières ou les colloques scientifiques en format réduit, les 11.606 participants (dont 6.000 militants associatifs ou lobbyistes industriels et 1.000 journalistes) ont parfois bien du mal à s'y retrouver. Tant il est vrai que les conférences climat ont adopté au fil des années leurs codes, leurs rites, et leur jargon indéchiffrables. Il faut par exemple pouvoir déchiffrer le AWGLCA (en français?: « groupe ad hoc sur l'action coopérative de long terme »), qui est ni plus ni moins le seul forum dans lequel les États-Unis négocient? Pour ajouter au tumulte, les ONG agitent le tam-tam médiatique pour nourrir en images caméras et journaux pris de vertige. Dans les couloirs, on a punaisé des photos illustrant les désastres du réchauffement, des îles sous l'eau ou la fonte des glaciers. Entre hyperformalisme et chaos créateur, la négociation climatique s'est stratifiée au fil des ans en une demi-douzaine de négociations ciblées. Mais lorsqu'un des rouages bloque, c'est toute la machinerie qui se grippe. Pourtant, dans ce vaste jeu de poker menteur, « les négociateurs forment une sorte de grande famille », reconnaît Nathalie Kosciusko-Morizet, la secrétaire d'État française.Souvent, les salles de négociation se transforment en camps retranchés (comme par exemple sur la question du « fonds d'adaptation au réchauffement » réclamé par les pays du Sud). Il faut alors faire jouer des soupapes. « Les négociateurs s'écharpent dans la journée et se retrouvent le soir autour d'un verre et c'est là que les choses peuvent se jouer », résume un autre fin connaisseur de la planète « climat ».De leur côté, les politiques multiplient les déjeuners ou dîners. À l'issue de l'un d'entre eux, Nathalie Kosciusco-Morizet est ressortie convaincue que les États-Unis allaient vraiment revenir dans les négociations onusiennes boudées sous l'ère Bush. « Le sénateur John Kerry m'a demandé très directement combien il fallait mettre dans chaque fonds d'aide aux pays du Sud pour faire progresser les négociations », rapporte la secrétaire d'État. Un langage « cash et efficace » bien loin de la rhétorique onusienne.espoir en perspectiveParfois, le ronron des palabres est soudainement interrompu par des cris de colère. Comme celui poussé par ce négociateur indien, Manjiv Singh Puri, furieux du manque d'effort des pays industrialisés. « La Convention sur le climat de 1992 prévoyait que les pays riches, qui sont responsables des trois quarts des gaz à effet de serre accumulés dans l'atmosphère, ramènent en 2006 leurs émissions au niveau de 1990. Or ils n'y sont toujours pas arrivés », s'insurge-t-il. Barack Obama, le président élu américain, vient de promettre d'y parvenir en? 2020. Pourtant, la perspective du départ du président Bush a fait naître un espoir à Poznan. Invité à un diner-débat, Nicholas Stern, conseiller économique du gouvernement britannique, a provoqué un tonnerre d'applaudissements en levant son verre sur un insolent : « Bye-bye, George ».
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