Le groupe Sanef se jette à l'eau

C'est un projet d'exception, dont le coût est estimé à 4,5 milliards d'euros. Le canal Seine-Nord doit permettre d'ici à 2015 de désenclaver le bassin fluvial de la Seine en le reliant, via le Nord-Pas-de-Calais, au reste du réseau fluvial européen à grand gabarit. Le canal Seine-Nord accueillera des convois emportant jusqu'à 4.400 tonnes, alors que le canal du Nord, qui relie actuellement les bassins de la Seine et du Nord-Pas-de-Calais, constitue, en raison de sa faible capacité de transport (650 tonnes), un goulet d'étranglement.Le maître d'ouvrage, Voies navigables de France (VNF), doit lancer l'appel à candidatures au mois de mars. Les candidats commencent à se faire connaître. Ainsi, le groupe Sanef, filiale du gestionnaire d'infrastructures espagnol Abertis, va être candidat à l'exploitation du canal Seine-Nord, selon nos informations. Sanef ? qui gère un réseau de 1.743 kilomètres d'autoroutes dans le nord, l'est et l'ouest de la France ? serait associé au sein d'un consortium avec Bouygues Construction ainsi que la Caisse des dépôts et Axa. S'il l'emportait, Sanef prendrait une plus grande ampleur. « Sanef est le bras armé en France de l'espagnol Abertis, qui gère aussi bien des infrastructures de transports que de télécoms et des parkings. Le groupe espagnol sera actif dans n'importe quel projet où son savoir-faire pourra s'appliquer », décrypte Charles-édouard Boissy, analyste financier chez Oddo.Le directeur général du groupe Sanef, François Gauthey, qui a rejoint le concessionnaire en mai 2007, a de toute évidence joué un rôle moteur dans cette candidature. Il faut dire qu'il a été directeur général de Voies navigables de France entre janvier 2006 et mai 2007. « Le canal Seine-Nord est plus qu'un projet d'infrastructures, c'est un projet de mise en valeur d'un territoire à travers la construction d'une infrastructure de transport, observe-t-il. Le projet vise aussi à permettre à la région Nord et à la Picardie de se développer en termes de logistique et ainsi de faire pendant au Pays-Bas et à la Belgique. »Intermodalité envisagéeSanef a une légitimité incontestable sur le Nord de la France. Le groupe connaît bien le tissu local, les élus comme les entreprises, ce qui est important pour gérer une infrastructure. Si le groupement Sanef-Bouygues l'emportait, Sanef, dont les équipes travaillent depuis plus d'un an sur le sujet, serait amené à exercer des activités de supervision, d'entretien et des opérations visant à assurer la fluidité du trafic, qui participent de son métier de base ? si ce n'est qu'en l'occurrence ce savoir-faire s'appliquerait à la voie d'eau plutôt qu'au ruban de bitume.Sanef pourrait, en outre, jouer sur l'intermodalité : les marchandises qui transiteront par le canal Seine-Nord prendront ensuite la route. « Sanef connaît parfaitement les flux de marchandises et les variations d'un mode de transport à l'autre », confirme Charles-Edouard Boissy. « Le problème pour Sanef sera plutôt de savoir confier les études de trafic à des professionnels de la navigation et de vérifier que les prévisions de trafic sur le canal Seine-Nord tiennent bien la route », ajoute-t-il.Au-delà, Sanef trouverait dans le canal Seine-Nord un bon moyen de se diversifier. « Les sociétés d'autoroutes sont à la recherche de relais de croissance, car la fin des concessions n'est pas si éloignée », analyse Damien Legrand, responsable infrastructures chez Depfa Bank. « La concession de Sanef devrait prendre fin en 2028 (hors un éventuel allongement dans le cadre du plan de relance), ce qui, pour une société de la taille de Sanef, n'est pas très long, poursuit-il. Les concessionnaires autoroutiers sont d'autant plus à l'affût de diversifications que le développement de nouvelles concessions autoroutières n'est pas la priorité du Grenelle de l'environnement. »Pour autant, Sanef sera-t-il pleinement crédible, sachant qu'un ouvrage d'art comme le canal Seine-Nord, qui comptera par exemple nombre d'écluses, dont la maintenance est bien spécifique, pose d'autres défis qu'une autoroute ?
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