L'aide-mémoire d'Agnès DesartheIl est des livres qui provoqu...

L'aide-mémoire d'Agnès DesartheIl est des livres qui provoquent une émotion si intense que l'on peut s'y ressourcer longtemps après. « Le Remplaçant », d'Agnès Desarthe est de ceux-là. Il est ici question de Bouz, Boris, Baruch, appelé « Triple B ». L'homme avec lequel la grand-mère de l'auteure s'est remariée lorsqu'elle a compris que le père de sa fille ne reviendrait jamais des camps. « Triple B avait le bon goût de ne pas être à la hauteur du disparu », écrit Agnès Desarthe qui transforme cet antihéros en héros romanesque et signe une ?uvre magnifique sur la mémoire, le pouvoir des mots et l'art de raconter les histoires. Rencontre avec son auteur. Comment « Triple B » est-il devenu le héros de ce livre?? Mon éditeur m'a demandé d'écrire sur mon héros favori. J'ai tout de suite pensé à Janusz Korzak [pédiatre polonais qui a mis sa vie au service de l'enfance, Ndlr]. Mon grand-père s'est aussi présenté à mon esprit. Je sais qu'il n'a rien d'héroïque. Mais l'écrivain s'attache à montrer ce qu'on ne voit pas pour le révéler à la lumière. Or « Triple B » est tout en creux, même s'il a cette particularité de raconter merveilleusement bien des histoires, certes, sans aucune portée. Est-ce parce que votre mémoire conserve peu d'informations que vous avez raconté cette histoire??Non, mais cette histoire a donné un sens à ma perte de mémoire. Cela s'est révélé alors que j'écrivais le passage où ma mère et ma grand-mère attendent le retour des déportés. Ce temps d'attente est un temps d'espoir. J'avais moi-même hérité de cet espoir enfant, alors qu'on avait déjà décrété depuis longtemps que ce grand-père ne reviendrait pas. Je crois que c'est là où j'ai développé une sorte de méfiance à l'égard de tout ce qui est savoir et certitude. Comment vit-on avec une telle mémoire quand on est écrivain??C'est un avantage parce que toutes les histoires nous appartiennent. Les gens me racontent leur vie et j'utilise ce matériau sans scrupule puisque je sais que ma mémoire va tout transformer. Comme je ne peux pas m'appuyer sur les faits, je dois développer l'imagination. Vous écrivez : « Chez nous, ce qui permet de sortir du lot, c'est de savoir raconter les histoires et en particulier les histoires drôles. » Le judaïsme est la religion du Livre et du commentaire. Je crois aussi qu'on ne se rend pas compte à quel point les juifs ont été persécutés au cours des siècles. Quand on fait le compte?: quel catalogue?! C'en est presque grotesque. Alors que peut-on faire à part en rire?? Propos recueillis par Yasmine Youssi
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