Quelques interrogations sur la situation de Thomson

L'assemblée générale de Thomson qui se tient cet après-midi portera sur l'exercice 2008 et le début de l'année 2009. Mais une partie des débats portera aussi sur l'état des discussions avec les créanciers. Avec une dette de 2,3 milliards d'euros, le groupe a indiqué ne pas exclure une procédure de « sauvegarde », le « Chapter 11 » à la française.Je suis l'entreprise à travers ses communiqués de presse, ayant quitté toute responsabilité opérationnelle mi-février 2008, et rompu tout lien avec l'entreprise peu après. Or les communiqués de 2008 soulignent tous qu'il n'y a ni problème de liquidité ni problème de « covenants ». Par exemple, le 16 octobre 2008, Thomson prévoit de « satisfaire les clauses conventionnelles de ses dettes en 2008 ». D'où les questions suivantes sur l'origine des difficultés actuelles du groupe. Thomson a terminé le premier semestre 2008 avec un chiffre d'affaires en légère baisse (? 4,3 %), mais avec un flux de trésorerie positif et une dette stable. Aucune dépréciation d'actifs n'est nécessaire. Toutes les clauses conventionnelles des prêts sont satisfaites. Le communiqué du 10 juillet 2008 ajoute que « [le groupe] est confiant dans sa capacité à améliorer [sa marge de man?uvre] dans les mois qui viennent ». Certes, l'ambiance générale à l'été 2008 est encore à l'optimisme. Thomson n'y échappe pas : le communiqué du 24 juillet indique « une hausse du chiffre d'affaires, des bénéfices et des flux de trésorerie au deuxième semestre comparé au premier ». Mais n'y avait-il aucun signe avant-coureur d'un deuxième semestre difficile ?En septembre 2008, la crise s'aggrave : effondrement des marchés, implosion du système bancaire, bref une situation sans précédent depuis les années 1930. Certaines entreprises se trouvent immédiatement au bord de l'asphyxie. Cela ne semble pas être le cas de Thomson, qui rembourse l'obligation convertible de Silver Lake. La plupart des entreprises mettent au moins en place un « comité de crise ». Quels plans d'action sont décidés chez Thomson, alors en phase de transition entre un directeur général intérimaire et un nouveau directeur général, puis entre directeurs financiers ? Dans son communiqué du 16 octobre, Thomson n'anticipe pas de difficulté de fin d'année. Pourtant, la baisse annoncée du chiffre d'affaires du troisième trimestre est de 7,9 %, et celle du quatrième se révélera être de 8,2 %. Or les résultats annuels et la trésorerie dépendent beaucoup de la bonne gestion des grands clients dans les derniers mois de l'année. Avec la chute des marchés financiers, toutes les entreprises prévoient une baisse de la valeur des actifs dans leurs bilans. Beaucoup d'ailleurs passent de fortes dépréciations fin 2008.Dans ses communiqués de 2009, le groupe note qu'un « environnement commercial plus difficile et un marché du crédit plus restrictif » ont conduit à une forte hausse du besoin en fonds de roulement, due à une baisse de l'affacturage et des avances clients (jamais gratuites), et à la difficulté de négocier de nouvelles conditions avec les fournisseurs (jamais gratuites non plus). Évidemment, ces pratiques commerciales normales en période ordinaire sont plus aléatoires en pleine crise. Compte tenu de tout cela, comment l'entreprise a-t-elle travaillé à la fin de l'année avec ses clients, ses fournisseurs, ses partenaires financiers ?Enfin, le groupe a-t-il proposé à ses créanciers une renégociation anticipée des prêts, pour affirmer qu'il n'aurait pas de problème ? Ou bien faut-il comprendre du changement brutal de ton, au début 2009, que la procédure de « sauvegarde » est un instrument de gestion et de négociation, qu'une direction générale et un conseil d'administration peuvent volontairement choisir pour gérer leurs engagements financiers, comme cela se fait couramment aux États-Unis ?Ces dix-huit derniers mois ont été difficiles pour tout le monde. Il serait saugrenu de vouloir les ignorer pour comprendre la situation d'aujourd'hui. Thomson a connu un « trou d'air » au dernier trimestre de l'année. Faut-il s'en étonner ? Que ceux qui ont traversé cette période sans heurts lèvent la main ! Reste le fond. Thomson est toujours leader mondial de ses secteurs. Les restructurations sont très largement faites. Les compétences de R&D sont toujours là. Les métiers sont sains et génèrent du cash. La croissance du chiffre d'affaires au premier trimestre est satisfaisante. Une stratégie est en place. Le groupe a donc toutes les compétences, y compris humaines, pour convaincre. Il doit y parvenir. npoint de vueFrank E. DangeardAncien président de Thomson, président d'Atari, administrateur de société
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