Ne jetons pas l'autorégulation avec l'eau du bain

Le droit des sociétés et les règles de gouvernance sont essentiels en ce qu'ils organisent les relations à l'intérieur de l'entreprise entre le management, les actionnaires et les salariés, mais également aujourd'hui avec ceux que l'on appelle les parties prenantes - les stakeholders. Pour être efficaces et acceptées, ces règles doivent reposer sur un certain nombre de convictions et de valeurs : liberté d'entreprendre, acceptation du risque, responsabilité, éthique des affaires, convictions et valeurs partagées par nos trois organisations.Le fait que cette conférence se tienne à un moment où le monde traverse une crise sans précédent confère une acuité toute particulière aux échanges que nous allons avoir sur ces sujets. Les excès du capitalisme financier ne doivent pas ­conduire à une condamnation du système économique actuel, mais nous obligent nécessairement à reposer la question des règles applicables. Même si l'analyse de la crise, de ses causes et de ses solutions n'est pas l'objet de notre conférence, nul doute que celle-ci sera présente tout au long de nos débats, puisque notre fil conducteur sera la définition d'une " gouvernance moderne pour des entreprises européennes compétitives ".Réglementation ou autorégulation ? La déréglementation qui serait, selon certains, source de tous les maux, ne signifie pas moins de droit, mais passage à une régulation. Cette régulation par les opérateurs (soft law) a démontré, démontre et démontrera encore son efficacité." Appliquer ou s'expliquer ". La mise en oeuvre du code de gouvernement d'entreprise des sociétés cotées Afep-Medef de 2003 et les récentes recommandations en matière de rémunération des dirigeants a entraîné une évolution considérable du mode de fonctionnement des conseils : transparence accrue de leur fonctionnement, professionnalisme des administrateurs, meilleur équilibre des pouvoirs au sein des conseils..., aujourd'hui, la France est dans le peloton de tête en matière de gouvernance des sociétés cotées.Mais pour que l'autorégulation fonctionne, il ne faut pas qu'elle se réduise à un apparent respect à la lettre de règles formelles qui a pu parfois masquer des comportements déviants voire frauduleux comme l'ont montré certaines affaires telles qu'Enron ou Parmalat. L'efficacité de l'autorégulation repose sur un considérable travail en amont qui associe l'ensemble des acteurs économiques - entreprises, partenaires sociaux, professionnels du droit - et sur le respect des situations individuelles. Libre aux entreprises de ne pas appliquer ces recommandations, mais elles doivent s'en expliquer. Ce principe " appliquer ou s'expliquer " permet, mieux qu'un texte obligatoire adopté parfois dans l'émotion de l'instant, d'aboutir à des pratiques responsables adaptées aux situations ­concrètes et capables d'évoluer : on limite ainsi les risques de contournement. L'efficacité juridique du système est également assurée : une fois que l'entreprise a choisi les principes qu'elle appliquera, elle accepte d'être liée par eux. Les nouvelles recommandations sur la rémunération des dirigeants de sociétés cotées que l'Afep et le Medef viennent de rendre publiques illustrent parfaitement ce qui inspire notre démarche, puisqu'elles reposent sur cinq principes qui doivent, à notre avis, fonder le réexamen des règles que nous impose la crise actuelle : 1. L'exigence de la performance sur le long terme ; 2. Le lien nécessaire entre la rémunération du travail accompli et le risque pris ; 3. La transparence ; 4. La responsabilité ; 5. Une association de tous ceux qui participent au fonctionnement de l'entreprise aux résultats.Les entreprises françaises ont largement adhéré à ces meilleures pratiques et ont développé l'information de leurs actionnaires en incluant dans leur rapport annuel un rapport spécial sur le gouvernement d'entreprise et le contrôle interne, pratique depuis consacrée par la loi de transposition de la directive européenne du 14 juin 2006.L'amélioration de la gouvernance passe également par un dialogue renforcé entre émetteurs et actionnaires et une plus grande transparence dans les prises de contrôle. De nombreuses entreprises, et non les moins rentables, vont plus loin en consacrant des développements importants à leurs efforts en matière de responsabilité [sociétale] (pas de recours direct ou indirect au travail des enfants, responsabilité environnementale, traitement équitable de leurs partenaires).Une éthique des affaires.Enfin, il faut que cette nouvelle gouvernance des entreprises soit guidée par une éthique des affaires. C'est bien d'une éthique des comportements, c'est-à-dire du respect du bien commun et des personnes dont nous avons plus que jamais besoin. Il s'agit de valeurs communes au monde de l'entreprise et aux avocats, qui devraient être rappelées sans ambiguïté dans l'enseignement supérieur.(*) Laurence Parisot est présidente du Mouvement des entreprises de France (Medef). Jean-Martin Folz est président de l'Association française des entreprises privées (Afep). Christian Charrière-Bournazel est bâtonnier de l'Ordre des avocats de Paris.
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