Michel Lebris, étonnant directeur Fou de Stevenson, de Conra...

Michel Lebris, étonnant directeur Fou de Stevenson, de Conrad et de London, exaspéré par l'ego démesuré des écrivains français, Michel Lebris lance­, il y a vingt ans, le festival Étonnants Voyageurs. Cette entreprise de défense et de promotion de la « littérature d'aventure » a désormais acquis ses lettres de noblesse bien au-delà des frontières de la cité malouine.Bien décidé à ne jamais se servir de son diplôme d'HEC, obtenu en 1967 « pour faire plaisir à maman », Michel Lebris a été rattrapé par son destin?: l'écrivain et éditeur est devenu chef d'entreprise. Mais son honneur est sauf. La société en question est un festival dans la droite ligne de sa passion?: la littérature d'aventure. Plus de 3.000 écrivains s'y sont succédé. Si ce festival du livre, premier en France, est devenu un modèle du genre, il le doit sans doute un peu aussi aux capacités de gestion de son instigateur. « Les festivals s'appuient sur des rêves et meurent souvent de déficit chronique. Je suis moi aussi parti d'un rêve, mais le tout est de savoir lui donner corps », admet Michel Lebris. La dernière édition, qui s'est déroulée à Saint-Malo du 30 mai au 1er juin dernier, a célébré les vingt ans du festival avec un CV à faire pâlir de jalousie les voisins?: 60.000 visiteurs, 250 auteurs, 12 expositions et spectacles, 300 rencontres sur trois jours, 150 projections, pour un budget total de 1,5 million d'euros.Cinq permanents gèrent sa petite entreprise qui ne connaît pas la crise, « une équipe soudée par le goût de faire, qui ne compte pas ses heures et s'autogère », se félicite Michel Lebris. Car, s'il fallait retenir un seul des éléments de cette réussite, ce serait l'innovation. « Il s'agit, dans le contenu comme dans la vie du groupe, d'avoir toujours un temps d'avance, un temps d'enthousiasme et d'inquiétude, un temps pour se renouveler et étonner. Ainsi, la première année, nous souhaitions ne pas nous laisser enfermer dans la thématique d'une littérature du voyage. Et, très vite, nous avons lancé l'idée de littérature ?monde?, en signe d'ouverture. Si nous avions fait un festival d'écrivains voyageurs, il serait mort depuis longtemps », raconte son directeur. Au fil des éditions successives, il est ainsi devenu un laboratoire de création. Pour preuve, l'édition 2009 a accueilli de nouvelles formes de narration au travers des séries télévisées à succès. « Certaines de ces séries disent­ le monde d'aujourd'hui avec une force rare. ?Fictionner?, c'est donner un visage à l'inconnu du monde, c'est l'habiter. On trace des chemins à la façon du Petit Poucet avec ses cailloux. » Deuxième principe dans cette droite ligne de la créativité?: ne pas répéter un énième Salon du livre. « Quand on me demande quel est mon c?ur de cible, cela me fait rire. Finalement, j'ai fait l'inverse de ce que l'on enseigne aujourd'hui à HEC?: plaire à un public hypothétique. Plutôt que de chercher à combler la ménagère de moins de 50 ans, je préfère croire aux entreprises où on se fait plaisir en réalisant un rêve. Surtout dans le domaine culturel, où cette dimension est plus marquée qu'ailleurs. Et, si je n'avais pas rencontré tout de suite un engouement fort du public, j'aurais arrêté. » Le succès d'Étonnants Voyageurs ? Michel Lebris en est convaincu ? repose sur son originalité et sa façon de voir le monde autrement : « Les gens sont avides de rencontres et de débats. Mais ils sont intimidés par les écrivains et man?uvrés par la critique littéraire. J'ai cherché à créer une forme de rencontre simple et directe qui ne soit pas l'auteur assis derrière une table et qui permette de tisser des liens. D'où la formule du café littéraire. Aujourd'hui, nous avons ajouté des petits déjeuners. » Pour prolonger le propos, il réfléchit au lancement d'un magazine littéraire inspiré du « New Yorker » dans un style « talk of the world ». Et de conclure?: « Il me faudrait deux vies et je n'en ai qu'une. J'ai mis le doigt dans l'engrenage. Et là, avec mon projet de journal, je me rajoute encore une vie. » Michel Lebris aura de loin dépassé toutes les espérances maternelles. Sophie Péters
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