Mesrine hors champs

B ebel versus Cassel... Dans la longue histoire des tentatives d'adaptation cinématographique de la vie de Jacques Mesrine, Vincent Cassel a certainement décroché le rôle de sa vie : il interprète le personnage du célèbre gangster dans l'Instinct de mort, le premier volet du film de Jean-François Richet, en salle mercredi prochain. Ce qu'on sait moins, c'est que, trente ans plus tôt, Jean-Paul Belmondo se serait bien vu dans les habits de l'ennemi public n° 1...Pour comprendre la fascination qu'a exercée Mesrine sur le cinéma français, il faut se plonger dans la passionnante enquête Mesrine, 30 ans de cavale dans le cinéma signé Jean-Pierre Lavoignat et Christophe d'Yvoire. Ces deux journalistes ont rencontré tous les acteurs, réalisateurs, producteurs et autres scénaristes qui se sont, un jour, frottés à la " légende " Mesrine. Pour composer au final une histoire parallèle du cinéma français où les pressions politiques, les menaces des caïds et les coups bas de la profession font capoter nombre de projets.Retour à la fin des années 1970. La folle cavale de Mesrine s'arrête le 2 novembre 1979 : il est abattu par la police porte de Clignancourt à Paris, dix-huit mois après sa spectaculaire évasion de la prison de la Santé. C'est dans sa cellule qu'il avait écrit son autobiographie, l'Instinct de mort, publiée en 1977 par Jean-Claude Lattès.Belmondo en achète aussitôt les droits cinématographiques. Avec son ami et agent Gérard Lebovici, " le personnage le plus influent du cinéma français ", il cherche le réalisateur idoine pour un film enfin à sa hauteur d'acteur préféré des Français.DEMELER LE MYTHEDE LA REALITEGodard, Corneau, Boisset ou Costa-Gavras sont approchés. L'improbable duo de scénaristes Michel Audiard-Patrick Modiano, associé à Philippe Labro, planche sur l'adaptation. Mais tous jettent l'éponge. Les années passent. Lebovici contacte Tony Gatlif. Emballé par le projet, le jeune réalisateur se plonge dans le livre : " Il me suffit de lire les vingt premières pages où il raconte la guerre d'Algérie pour détester ce type : il est raciste, cruel, traite les Arabes de ''Crouilles''." À travers ce témoignage recueilli par les auteurs, on comprend mieux pourquoi tant de cinéastes ont refusé d'adapter ce texte dérangeant dans lequel Mesrine revendique son goût pour la violence et justifie ses crimes.Vingt plus tard, le projet rebondit sous l'impulsion du très dynamique Thomas Langmann, jeune producteur qui rêve depuis longtemps de porter Mesrine à l'écran. Les auteurs retracent les méandres de ce projet fou qui a mobilisé le fils de Claude Berri et Vincent Cassel, son comparse des débuts, pendant sept ans ! Car Langman veut absolument faire un film fleuve en deux parties, ce qui implique un budget conséquent et un tournage marathon... Là encore, la personnalité du gangster est l'objet d'âpres discussions.Dans un premier temps c'est Barbet Schroeder qui doit réaliser le film, associé à Guillaume Laurant, le scénariste d'Amélie Poulain. Mais Cassel ne se reconnaît pas dans l'image d'un Mesrine idéalisé dénonçant les abus dusystème carcéral. C'est la rupture. Langmann cherche désespérément un remplaçant : Benoît Magimel, Vincent Elbaz... Après de multiples rebondissements, le producteur revient à Cassel et opte pour une nouvelle équipe emmenée par Jean-François Richet. Le scénario est complètement réécrit pour donner une vision bien plus réaliste de Mesrine. Mais, comme souvent avec cet être insaisissable, démêler le mythe de la réalité relève de la gageure.Braquage médiatiqueJacques Mesrine avaitparfaitement compriscomment il pouvait utiliserles médias. Lors de sa dernière cavale, il donne rendez-vous au photographe Alain Bizot, qui le met en scène braquant son arme sur l'objectif. Ces images chocs, largement reprises dans la presse de l'époque, sont aujourd'hui exposées à la galerie Vu à Paris. Elles font également l'objet d'un livre,accompagnées de textesdu journaliste Gilles Millet,qui a interviewé plusieurs fois Mesrine pour " Libération " .Galerie VU. Jusqu'au 31 octobre. Tél. : 01.53.01.85.81." Mesrine ", éditions EPA,64 p., 25 euros." Mesrine, 30 ans de cavale dans le cinéma " de Jean-Pierre Lavoignat et Christophe d'Yvoire. Sonatine Éditions, 300 pages, 19 euros. " L'Instinct de mort " de Jacques Mesrine vient d'être réédité chez Flammarion.
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