La revanche possible de l'Europe

Ce livre collectif n'a rien d'un livre " d'expert pour les experts ", soulignent Michel Rocard et Nicole Gnesotto, titulaire de la chaire sur l'Union européenne au Cnam. Ni d'une énième complainte sur l'Europe mal aimée ou impuissante. Écrit avant que l'Union ne joigne ses forces pour répondre au cataclysme financier qui secoue la planète, il offre, en creux, un rappel des succès oubliés ou méprisés de ce curieux animal politique qu'est l'Union européenne, comme des raisons d'une longue léthargie qui risque à tout moment de réapparaître.Car les auteurs, de Jean Pisani-Ferry à Hubert Vedrine, de Daniel Cohen à Thierry de Montbrial, ne sont pas dupes : les égoïsmes nationaux, les frilosités nées de la mondialisation et le confort politique consistant à faire porter à Bruxelles le chapeau de tous les échecs - sans omettre les insuffisances criantes des institutions européennes - ne sont pas près de disparaître. Pourtant la construction européenne est devenue une réalité indissociable de notre vie quotidienne. Si les succès de l'euro peuvent paraître ambigus, la monnaie unique s'est bel et bien imposée sur la scène internationale, avec ses contraintes et ses vertus protectrices, avec ses dérives anesthésiantes aussi.Devenue, à 27, une puissance économique et commerciale, l'Europe n'a pas encore réussi son " apprentissage " dans des domaines majeurs comme le social, la connaissance, la recherche et le développement. Une longue marche " qui déterminera peut-être son destin au XXIe siècle ". Après avoir donné naissance aux " deux premières révolutions industrielles ", l'Europe saura-t-elle s'imposer comme le champion de celles de l'environnement et du développement durable ? Cette interrogation est encore plus lourde de choix institutionnels lorsqu'on aborde le terrain stratégique. Oui, l'Union reste un nain politique. On le constate chaque jour sur des dossiers aussi essentiels que le partenariat avec la Russie ou les négociations de paix au Proche-Orient. " Ni pacifiste, ni va-t-en guerre ", l'Europe a réussi à développer un " "soft-power"reposant sur son sens de la mesure ". Encore lui faut-il trouver les moyens de dépasser l'" irrealpolitik " des dernières années pour devenir un poids lourd, à défaut de pouvoir jouer les premiers rôles.LA BATAILLE DE LA REGULATIONLa crise financière donne une portée singulière au chapitre intitulé " Europe et économie : qui domine l'autre ". Michel Rocard y affirme que l'Europe reste, par sa culture et son histoire, " porteuse de modèle ". Un modèle vaincu " par le modèle anglo-saxon dans la fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle "... au prix de l'abandon des régulateurs. Et l'ancien Premier ministre d'annoncer une inévitable bataille à venir : " Elle portera sur la régulation, elle sera technique et politique. " Avec un défi de taille, rallier les pays émergents, Chine en tête, à la nécessité d'améliorer les règles du jeu planétaire pour tenter de préserver les grands équilibres internationaux " et notre harmonie sociale ".Au total le message lucide et sans concession de ce livre est aussi simple que complexe à mettre en oeuvre : dans un monde globalisé en pleine mutation, il est possible d'instrumentaliser l'Europe pour le meilleur. Et non pour le pire." Notre Europe", de Michel Rocard et Nicole Gnesotto. Robert Laffont (394 pages, 22 euros).
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