Le dossier Thales s'enlise

fographie2 cols (92,133 mm)X Ht 170 mmAlors que l'on s'attendait à une blitzkrieg, c'est à une véritable guerre de tranchées que se livrent Dassault Aviation et Alcatel-Lucent sur le dossier Thales. Le premier, contrôlé par Groupe Industriel Marcel Dassault (GIMD), veut racheter la participation de 20,8 % que le second détient dans l'électronicien. L'opération ne devrait pas être conclue avant la fin de l'année, estiment plusieurs sources proches du dossier. En revanche, elles restent quasi assurées que la transaction devrait aboutir en 2009, avant la fin du premier semestre. « On ne s'attend à rien d'ici à la fin de l'année », résume-t-on chez Thales.Pour l'heure, c'est Alcatel-Lucent qui détient les clés de la transaction. Et non Serge Dassault. Mais pour combien de temps ? C'est la question la plus importante de l'opération. Jusqu'à quand le président du conseil d'administration de l'équipementier de télécoms, Philippe Camus, pourra-t-il faire lanterner la famille Dassault, sans mettre en péril son groupe qui reste sur le fil du rasoir ? Apparemment, jusqu'à la fin du premier trimestre 2009. « S'il y avait un problème immédiat de trésorerie, cela se serait su rapidement. Ce n'est pas le cas », assure un observateur proche du dossier. En revanche, la direction d'Alcatel-Lucent, qui a clairement annoncé son désengagement stratégique dans Thales, pourrait être mise sous pression par ses actionnaires pour le réaliser rapidement.Partie de pokerLe prix constitue une vraie partie de poker entre deux hommes qui ont l'habitude de ne rien lâcher. Le PDG de Dassault Aviation et bras droit de Serge Dassault, Charles Edelstenne ? pour qui un sou reste un sou ?, n'achètera pas à n'importe quel prix.Inventif au point de monter des opérations financières extrêmement complexes, Philippe Camus est, quant à lui, capable de se dégager de la pression et de trouver des marges de man?uvre financières pour son groupe. Aujourd'hui, selon nos informations, Serge Dassault propose de racheter la participation au prix du marché avec une prime de 10 %. Le cours de Thales a terminé la semaine à 31 euros. Encore très loin des souhaits d'Alcatel, qui reste pourtant vendeur à 40 euros par action.Il y a, par ailleurs, un vrai débat juridique sur la question d'une OPA. Pour Dassault Aviation, qui a également annoncé son intention de racheter la participation de sa maison mère GIMD (5,18 %), la question se pose : comment prendre le contrôle de Thales pour peser sur ses décisions sans lancer d'OPA ? Car ce qui intéresse Serge Dassault et Charles Edelstenne, c'est de disposer du pouvoir au sein de Thales, et non de se contenter d'une simple participation financière. Si Serge Dassault, qui détiendrait une fois l'acquisition faite au moins 25,98 % du capital de Thales, s'allie à l'état (27,11 %) dans un pacte d'actionnaires, l'Autorité des marchés financiers pourrait l'obliger à lancer une OPA. Or, Serge Dassault ne le veut pas.L'état, notamment l'Élysée, qui a tordu le bras d'EADS pour l'empêcher de déposer une offre engageante sur les 20,8 % d'Alcatel-Lucent, reste pour l'heure bienveillant sur cette opération. Il n'en reste pas moins qu'aux étages au-dessous (Agence des participations de l'état, Délégation générale pour l'armement), des questions se posent sur les intentions de Serge Dassault pour le devenir de Thales.Or, comme le souligne un observateur proche du dossier, « Dassault ne veut rien dire sur ce qu'il va faire de Thales ». Faut-il voir, outre les discussions entre Alcatel-Lucent et Serge Dassault, un nouvel obstacle à la réalisation de cette opération ? L'état n'est-il pas en train de demander à Serge Dassault de réduire ses prétentions ?pas de cadeauLe naval pose aussi problème. C'est un secteur auquel croit beaucoup Thales, qui a investi en prenant une participation de 25 % dans DCNS. En revanche, Serge Dassault était opposé à cette opération et avait voté contre lors d'un conseil d'administration de Thales.Or, l'état a beaucoup plus à perdre dans cette question que Thales. Non seulement les pouvoirs publics ont désormais sur les bras une participation de 33,34 % dans les ex-chantiers de l'Atlantique, mais il pourrait se retrouver avec 100 % de DCNS. Et sans aucune solution industrielle après avoir peiné pendant des années pour en trouver une.Reste enfin la question de l'« affectio societatis ». Souvent décisif dans ce genre d'opération, il est ici très proche de zéro entre les négociateurs. L'inimitié entre Philippe Camus et Charles Edelstenne remonte au temps où EADS, sûr de sa force, ne pensait faire qu'une bouchée de Dassault Aviation. Dans son style très direct, Charles Edelstenne a rendu alors la monnaie de leur pièce à ses meilleurs ennemis d'EADS, les plaçant dans un rôle de figurants malgré leurs 46 % dans Dassault Aviation. Pour sa part, Philippe Camus, chassé en 2005 de la direction d'EADS, ne devrait leur faire aucun cadeau. 20,8 %C'est la part du capital de Thales que possède actuellement Alcatel-Lucent et qui est convoitée par Dassault Aviation. Lequel, si l'opération se faisait (et avec le rachat des 5,18% de GIMD, sa maison mère), verrait sa participation grimper au moins à 25,98%.
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