Une croissance trop faible déstabiliserait le pouvoir en Chine

Prévisions après prévisions, les perspectives de croissance en Chine se rapprochent dangereusement du seuil de 8 %. Stephen Roach, le patron de Morgan Stanley Asia, postule même que le niveau actuel est déjà en deçà de ce taux. Or, si la croissance du PIB chinois se situe en dessous de 8 %, le pays risque d'entrer dans une zone de fortes turbulences sociales et politiques, où les demandes d'emploi des centaines de millions de travailleurs pas ou peu qualifiés ne seraient plus satisfaites, où le chômage et la précarité exploseraient et où, faute de réelle couverture sociale, toute une partie de la population redeviendrait pauvre. « Si la Chine ne se trouve plus dans l'euphorie d'une croissance à deux chiffres, le gouvernement ne pourra plus garantir la satisfaction des attentes sociales et respecter ce pacte implicite selon lequel la population renonce à ses droits politiques en échange de la prospérit頻, explique Valérie Niquet, économiste à l'Institut français des relations internationales (Ifri).Maître jaloux de la vie politique, le Parti communiste chinois ne tire sa légitimité que de sa capacité à enrichir le pays. « Un ralentissement économique trop fort multiplierait les jacqueries qui agitent aujourd'hui déjà les campagnes », prévoit Sylvain Barthélémy, économiste chez TAC. Plus nuancé, David Dollar, responsable Chine à la Banque mondiale à Pékin, estime qu'« un ralentissement du taux de croissance à 7 % durant un an ne provoquerait pas un gros problème [politique] car le peuple chinois comprend que l'économie mondiale est en difficult頻.Plan de relanceCes dix dernières années, la frénésie des investissements a permis d'absorber les 13 millions de jeunes Chinois qui arrivent chaque année sur le marché du travail, ainsi que les dizaines de millions de migrants issus des campagnes déshéritées. Mais, avec la crise, dans une province comme celle du Guangdong (qui ne produit pas moins d'un tiers de toutes les exportations chinoises), des milliers d'entreprises ferment leurs portes, parfois du jour au lendemain, laissant des armées entières d'ouvriers sur le carreau. Dans le secteur du jouet, la moitié des entreprises (3.000 PME) ont disparu du paysage depuis janvier. « La préoccupation première du gouvernement est d'assurer un faible sous-emploi, d'où cet objectif de croissance de 8 % », explique John Higgins chez Capital Economics. D'où aussi le plan de relance de 586 milliards de dollars annoncé début novembre par Pékin. « Sans un certain rythme de croissance économique, il y aura des difficultés d'emplois, de recettes fiscales et de développement social », admet le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, dans le magazine « Seeking Truth ». Mais ce coup de pouce budgétaire sera-t-il suffisant ? « Une baisse de 1 % de la croissance du PIB américain implique un recul de 3,6 % de la croissance de la Chine », a calculé un expert. De son côté, le cabinet Facset ne voit pas comment les exportations chinoises pourraient ne pas être sérieusement impactées par le profond ralentissement des pays de l'OCDE, car « 80 % de la production des usines chinoises sont destinées aux économies étrangères ». risque de récessionFacteurs aggravants, le yuan a gagné plus de 20 % depuis deux ans, et le salaire moyen chinois a été multiplié par deux entre 2005 et 2007. Pour Facset, l'hypothèse d'une récession en Chine a une chance de se concrétiser de 30 %. Même si elles ne représentent que moins de 40 % du PIB, les exportations ne pourront pas être rapidement relayées par la consommation intérieure. Les ménages et les entreprises continuent d'épargner fortement (25 % du revenu disponible), malgré les efforts du gouvernement pour développer un marché intérieur. Laurent Chemineau
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