Vertus cachées de l'égoïsme

Vous ne vous en êtes pas rendu compte?? Nous sommes tous dans le même bateau. Vous, moi, votre voisin, votre cousin. Nous découvrons avec naïveté que nos sorts sont liés. Encore un des bienfaits de cette crise?! Son issue repose donc aussi sur nos comportements. Comme la sauvegarde de notre emploi. Depuis longtemps, les théoriciens de l'économie ont démontré comment l'égoïsme de chacun déterminait la compétivité de l'ensemble. Au XVIIIe siècle, Adam Smith prétendait que grâce à la « main invisible » du marché, chaque individu ?uvrait à l'intérêt général tout en poursuivant son propre intérêt. Aujourd'hui, qu'est-ce que cela signifie?? Qu'il va falloir être responsable. Chacun à sa mesure évidemment. Le cadre supérieur qui n'a pas de problème de revenus, a des sous de côté et prévoyait des travaux dans sa jolie maison des Hauts-de-Seine, ne doit pas y renoncer. Comme Éric. Lui, c'était sa toiture. Il a hésité. Pour finalement prendre conscience qu'il donnait du travail aux autres. Benoît, lui, rêvait cet été de s'acheter la Jaguar XK. Et en avait les moyens. La crise venant, ce brillant polytechnicien s'est interrogé. N'était-ce pas déplacé?? Il est passé à l'acte il y a trois semaines. Sa logique?: « Si moi qui ai de l'argent, occupe un bon poste, je commence à avoir peur et réduis mes dépenses, alors je mets l'économie en péril », m'a-t-il raconté ce week-end, une coupe de champagne à la main. Benoît a conjugué le mode personnel avec l'auxiliaire collectif. Et appelle cela?: son « plan de soutien personnel à l'économie ». Patrice a, quant à lui, renoncé à indexer ses prévisions de croissance 2009 sur les deux derniers mois. Pour éviter de sacrifier sa masse salariale sur l'autel de la conjoncture. Au lieu de retirer nos économies à la banque pour les glisser sous le matelas, passons en mode solidaire. En évitant les raccourcis culpabilisants de ma copine Anne-Marie. Elle a vendu sa maison juste avant la crise. Très très bien. Aujourd'hui elle thésaurise, s'angoisse, prend des cachets pour dormir et a baissé de moitié sa consommation « par respect pour ceux qui ont moins », argue-t-elle. C'est gentil, mais cela ne va pas beaucoup les aider. En injectant ses liquidités dans l'économie, elle mettrait plus de beurre dans les épinards des moins pourvus. Rien n'oblige à s'équiper du énième lecteur DVD. Aller au restaurant, partir en week-end ou en voyage, consommer du service, c'est aussi faire tourner la machine. Et préserver l'emploi. Le sien et celui des autres. « Les vices des particuliers contribuent à la félicité publique », défendait Bernard Mandeville en 1754. Ce médecin philosophe expliquait dans sa « fable des abeilles » pourquoi l'altruisme conduisait à la ruine, tandis que l'égoïsme assurait la prospérité. Ça vous choque?? On oublie que nos actions, nos regards mutuels et nos attentions donnent corps à nos existences, font sens, et nous lient les uns aux autres. Ça tombe bien?: c'est bientôt Noël.Le bonheur individuel se doit de produire des retombées collectives, faute de quoi la société n'est qu'un rêve de prédateur. » Daniel Pennac
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