« L'Amérique latine devrait connaître un ralentissement »

« La Tribune ». Les pays d'Amérique latine se réunissent à l'occasion de quatre sommets actuellement, est-ce par hasard?? Daniel van Eeuwen. Cela ne peut être une coïncidence. Tout se passe au Brésil et autour du Brésil. Ce pays, qui a émergé comme la superpuissance de la région, cherche ? même s'il s'en défend ? à jouer un rôle de leader et, mieux que cela, à se projeter comme tel dans des instances internationales ou multilatérales telles que le G20 et l'OMC. Ces sommets seront surtout concentrés sur l'économie. Comment l'Amérique latine réagit-elle face à la crise mondiale??L'impact sur le Mexique est déjà très fort, tandis qu'il est encore à venir dans d'autres pays tels que le Brésil. En tout état de cause, l'Amérique latine devrait connaître un ralentissement, qui rognerait par exemple un point de croissance du PIB brésilien, plutôt qu'une récession. De plus, il faut différencier les pays, puisque certains ? le Brésil, entre autres ?, ont largement diversifié leur économie, tandis que d'autres sont encore très monoproduits, et concentrés sur le pétrole par exemple. C'est ainsi le cas de l'Équateur et du Venezuela. Malgré les disparités, le danger est là et les gouvernements peuvent tenter de réagir avec des politiques anticycliques? Certes, mais encore faut-il en avoir les moyens. Or une diminution des exportations induit également une réduction des recettes fiscales du fait que les impôts sont, dans de nombreux pays de la région, prélevés sur les exportations ou sous forme de TVA. Avec ce type de structure fiscale, les gouvernements n'ont pas les fonds nécessaires pour doper la demande interne afin de compenser le ralentissement des exportations. Pas plus qu'ils n'ont, en temps normal, assez d'argent pour construire des infrastructures. Cela est particulièrement vrai pour le Brésil. Et dans un contexte de fortes inégalités, ces pays n'ont pas non plus les moyens d'accroître les ressources allouées à une politique sociale visant à combattre la pauvreté. Mais au-delà de la conjoncture, il s'agit bien, pour préserver l'avenir économique de ces pays, de relever le défi fiscal?La fiscalité est effectivement l'un des problèmes ? et des défis ? majeurs de ces pays. Traditionnellement, l'oligarchie, et aujourd'hui la bourgeoisie, s'est élevée contre les impôts, en particulier sur le revenu, qu'elle trouve illégitimes?! Du coup, elle envoie son argent à l'étranger. Et ses enfants faire leurs études aux États-Unis? Il s'agit donc, ce qui est loin d'être aisé, de changer cette disposition et d'obtenir un recouvrement plus efficace ? et plus juste que la TVA. Mais cela implique un État fort ? au sens de sa légitimité et de son efficacité ?, un État démocratique et de droit.Propos recueillis par Lysiane J. Baudu (*) Spécialiste de l'Amérique latine, université d'Aix-en-Provence.Interview : Daniel van Eeuwen, universitaire (*)
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.