Payer pour recevoir un dividende

Augmenter son capital est une chose. L'objectif d'une telle décision en est une autre. Et peut constituer une véritable aberration. C'est le cas chez Enel. Le groupe italien d'énergie projette de lancer une énorme augmentation de capital de 8 milliards d'euros, notamment pour? maintenir son dividende au niveau de l'an dernier, soit 0,49 euro par action. Autrement dit, si les actionnaires d'Enel ne veulent pas voir leur dividende réduit, il leur faut souscrire à l'augmentation de capital. C'est-à-dire que les actionnaires paieront pour recevoir un dividende?! Une man?uvre un peu aberrante, même si le prix proposé dans le cadre de l'augmentation de capital venait à présenter une forte décote par rapport au cours de Bourse actuel.Certes, l'État italien, qui possède quelque 30 % d'Enel et a grand besoin d'argent, a trouvé une astuce pour que sa souscription à l'augmentation de capital ne grève pas immédiatement ses comptes (lire « La Tribune » du 28 février). Mais les autres, les actionnaires individuels?? Ils devront passer à la caisse pour obtenir leur dividende, et verront de plus leur part des bénéfices diluée, du fait de l'augmentation de capital. Une dilution estimée à 30 % par les analystes d'UBS.incongru« Cette augmentation de capital était la seule solution pour qu'Enel préserve son dividende », assure un analyste milanais. Mais Enel devait-il à toute force maintenir son dividende?? D'accord, réduire ou supprimer un dividende est du plus mauvais effet sur les actionnaires. Notamment sur ceux du groupe italien d'énergie?: difficile de faire une croix sur cette rémunération, alors que l'action a fondu de 48 % au cours des douze derniers mois. De plus, ces actionnaires étaient habitués à un rendement (dividende sur cours de Bourse) élevé, de l'ordre de 11,5 %, soit deux fois environ la moyenne en vigueur dans le secteur européen de l'énergie. Mais, lorsque, comme Enel, on supporte une dette de 61 milliards d'euros ? soit un an de chiffre d'affaires ?, mieux vaudrait se montrer moins généreux envers ses actionnaires, ce que le groupe fera d'ailleurs l'an prochain, afin de préserver ses liquidités. Surtout en période de crise économique et financière, où la visibilité sur les résultats des entreprises est faible, et l'accès au crédit difficile et coûteux. « Le versement d'un dividende doit résulter de la génération de cash-flow, et non pas guider la stratégie d'une entreprise », s'emporte le bureau d'analyse Morgan Stanley, dans une récente note. De plus, les dividendes sont taxés. Alors, pour un actionnaire, participer à l'augmentation de capital d'une société afin de recevoir un dividende dont une partie ira à l'État, cela semble définitivement incongru. Christine Lejoux
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