L'industrie chinoise en pleine restructuration

Le train rapide qui relie en une heure la ville de Dongguan aux deux mégapoles de la province du Guangdong, Shenzhen au sud et Canton à l'ouest, est habituellement emprunté chaque jour par des centaines d'acheteurs et d'entrepreneurs du monde entier. Les visiteurs affluent pour passer commande ou visiter les centres de production de ce paradis du textile, de la chaussure, du meuble et du jouet. Ce jour-là, le train est pourtant presque vide. « Nous voyons beaucoup moins d'étrangers que d'habitude, » témoigne un habitant, qui effectue l'aller-retour vers Shenzhen dans la journée. « Les migrants sont également bien moins nombreux qu'avant dans les rues de la ville, car de nombreuses usines ont fermé leurs portes. » Par la fenêtre défilent ainsi ces usines-dortoirs. Peintes à l'origine avec des couleurs vives, elles ont été souillées par la fumée noire que crachent leurs propres cheminées rouillées.Cheng Wanhang, le responsable des espaces industriels du groupe immobilier Century 21, confirme?: « Les responsables étrangers, en particulier des Hongkongais, des Taiwanais et des Sud-Coréens, qui louaient ici ont disparu, et nous avons des milliers d'appartements vides. » Parallèlement, la région a enregistré une chute des achats et des locations d'usine. « Jusqu'à la mi-2007, nous louions environ 10 usines par mois, contre à peine 2 aujourd'hui », précise l'agent immobilier. Selon lui, la véritable raison de cette désertion des investisseurs étrangers tient moins à la crise actuelle, dont les effets commencent tout juste à se faire sentir, qu'à la hausse des coûts de production de ces derniers mois.monter en gamme Dans les bureaux d'un immeuble verdâtre et humide de Shenzhen, Liu Kaiming, le président et fondateur de l'institut d'observation contemporaine, une organisation non gouvernementale, assure lui aussi que « la difficulté actuelle est moins liée à la crise qu'à la transformation des usines. Depuis un an, les coûts de production ont augmenté de 20 % à 30 %, la main-d'?uvre de 10 % et le yuan de 20 % par rapport au dollar et à l'euro, ce qui signifie une hausse totale d'environ 50 % ». Cette explosion des coûts a été accentuée par le gouvernement central. « Pékin veut fermer les petites usines qui polluent, utilisent beaucoup de matières premières et exploitent leurs ouvriers », assure Andy Rothman, le stratège macroéconomique de CLSA basé à Shanghai. « Le gouvernement compte y parvenir en obligeant l'industrie chinoise à monter en gamme. Pékin ne veut plus que la Chine reste considérée comme l'usine du monde et souhaite qu'elle fabrique et exporte des produits de plus grande valeur ajoutée. » En longeant la côte de la mer de Chine en direction de Shanghai, le responsable de l'entretien d'un complexe de la ville de Honghe, dans la province du Zhejiang, reconnaît que les temps sont durs. Selon lui, les entrepreneurs doivent apprendre à faire le dos rond, les commandes n'ayant cessé de baisser depuis un an et les salaires de base d'augmenter. Si des milliers d'usines ont fermé leurs portes, les investisseurs s'exilant au Vietnam où les coûts demeurent moins élevés, le phénomène n'est cependant pas généralisé et les conséquences sociales pas encore profondes. « Au début de l'année, les besoins non satisfaits de main-d'?uvre dans le Guangdong étaient estimés à 2 à 3 millions de travailleurs migrants, sur un total de 60 millions d'employés, dont 40 millions de migrants », estime Liu Kaiming. « À la suite des fermetures d'usine, ces besoins ne s'élèvent plus qu'à un million, ce qui n'empêche pas les travailleurs licenciés de retrouver facilement un emploi. Les grandes usines continuent en effet à s'agrandir au fur et à mesure que les petites et moyennes usines disparaissent. » En tout cas, jusqu'à la nouvelle baisse des commandes de l'Occident, attendue pour le printemps. Déjà, les premiers signaux de la crise font sentir leurs effets?: le mois dernier, la Foire de Canton, véritable baromètre de l'économie chinoise, affichait un carnet de commandes en baisse de 15 % par rapport à l'an dernier. Un coup dur pour la capitale d'une province habituée à fournir 30 % des exportations du pays.

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