Pour que vivent les hommes

L'année 1945. Le monde se remet à peine du cauchemar de la guerre, les yeux écarquillés sur un avenir encore recouvert des cendres du passé. L'art, lui, tente de reprendre des couleurs et les artistes se cherchent une nouvelle manière d'exister. Il y a chez eux de la désillusion et de la colère accentuées par la découverte des camps d'extermination. « écrire un poème après Auschwitz est barbare », déclare le philosophe Adorno. En Amérique, Jackson Pollock clame?: « Nous voulons le tragique et l'intemporel?! » Quant à Barnett Newman, il assure?: « Il me fallait repartir à zéro, comme si la peinture n'avait jamais existé? »nouveau langageD'où le titre de l'exposition imaginée par éric de Chassey et Sylvie Ramond. Présentée au musée des Beaux-Arts de Lyon, elle raconte la manière dont les artistes envisageaient la création dans l'immédiat après-guerre.Après les audaces de l'abstraction et les recherches formelles du surréalisme dans les années 1920 et 1930, les artistes veulent créer un nouveau langage. Mais il y a un handicap. Le leadership artistique a été transféré vers l'Amérique. Une sorte de nouvel humanisme va naître sans que pour autant la figure humaine en soit le flambeau.Martyrisée, défigurée, anéantie, elle a bien du mal à réapparaître. Fautrier, le premier, en donne une trace avec ses « Otages »?; rien qu'une trace sans contour, floue comme les restes d'une souffrance. Olivier Debré, qui ne s'est pas encore laissé aller au lyrisme hédoniste de la couleur, témoigne lui aussi des camps par la trace.C'est d'ailleurs le signe qui réunit tous ces artistes, avec une sorte d'impossibilité d'aller au-delà, si ce n'est par la couleur. Dans les ?uvres de Hartung, Atlan, de Staël, Mathieu, Soulages ou de l'Italien Fontana, le geste a pris la parole et remplacé les mots. Ceux qui avaient été réduits au silence par le nazisme, comme l'Allemand Carl Buchheister, retrouvent une joie nouvelle à décrire des cosmogonies presque enchantées.Au-delà du silenceIdem pour le Polonais Andrzej Wroblewski, un artiste pratiquement inconnu en France. Ce qu'il offre?? Des soleils de feu qui semblent s'envoler dans l'espace. D'autres artistes retournent au primitivisme, tels Bissières et Dubuffet. Ce dernier recherche dans le trait et la matière la figure mutilée de l'homme, disparue dans les décombres des combats.Du côté des Américains, Rothko nous achemine vers un bonheur nouveau à travers de simples espaces de couleur dans lesquels tous nos désirs se reflètent. Jackson Pollock travaille presque toujours sa toile au sol, dehors, comme si seul le ciel devait être le témoin de ces fulgurances de passion. Ses drippings offrent une peinture de tension, presque d'étouffement, alors que le Français Soulages donne au noir et blanc une profondeur presque mystique. Comme l'Américain Barnett Newman.Au-delà de ce silence, il y a les compositions de Bram van Velde qui, avec une certaine volupté, tourne autour du corps et de la figure humaine. Il se dessine là, semble-t-il, avec lui, ce nouvel humanisme que l'on devine dans la peinture de tous ces artistes. L'homme réapparaît, balbutiant, dans la splendeur de l'art.Octave de la Chesnaye« 1945-1949, repartir à zéro ». Musée des Beaux-Arts de Lyon, 16, rue Édouard-Herriot, 69001 Lyon. ? Tél. : 04.72.10.17.40. Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 10 heures à 18 heures. Jusqu'au 2 février.

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