L'acquisition de Fortis moins certaine

« Si nous ne pouvons pas monter maintenant dans le capital de Fortis Banque, nous nous retirons », aurait déclaré Baudouin Prot, directeur général de BNP Paribas, selon la presse belge. En se refusant hier à tout commentaire, la banque de la rue d'Antin a alimenté les rumeurs. Car les difficultés propres à empêcher la reprise par BNP Paribas des actifs belges et luxembourgeois de Fortis s'accumulent.La décision de justice belge du 12 décembre suspend pendant soixante-cinq jours le démantèlement de la banque et impose de tenir une assemblée générale mi-février afin que les petits actionnaires donnent leur avis sur la transaction. Revigorés, les porteurs néerlandais entendent renégocier la nationalisation le 4 octobre des opérations de la banque dans leur pays. « Si l'État refuse de négocier, nous lancerons un procès en dédommagement », a déclaré Jan Maarten Slagter, président de l'influente association des actionnaires néerlandais (VEB). La plainte pourrait porter sur 11 milliards d'euros. L'État néerlandais a acquis Fortis pour 16,8 milliards d'euros, un vil prix selon les actionnaires. La quatrième banque du pays avait racheté pour 24 milliards d'euros, en octobre 2007, les opérations néerlandaises d'ABN-Amro, la seconde banque des Pays-Bas. Wouter Bos, ministre des Finances, pense que cette plainte n'a « aucune chance » d'aboutir, mais la justice néerlandaise pourrait en décider autrement.bataille judiciaireCôté belge, le gouvernement a choisi la bataille judiciaire et décidé d'introduire des recours. Pour ralentir la procédure, Mischaël Modrikamen, avocat des petits actionnaires, a décidé de retirer son « élection de domicile ». Résultat, le gouvernement devra envoyer séparément aux 450 plaignants impliqués dans la procédure d'appel l'ensemble des pièces du dossier. Et chacun devra recevoir les éléments dans sa propre langue, en néerlandais, en anglais, en russe, en maltais et en hébreu?! Hier, l'opposition a par ailleurs réclamé la démission du Premier ministre belge Yves Leterme au motif qu'il aurait fait pression sur des magistrats chargés de statuer sur le démantèlement de Fortis.Ces démêlés feraient-ils réfléchir BNP Paribas à l'heure où la crise financière la rattrape?? « La banque a peut-être mal appréhendé les risques d'exécution liés au cadre juridique belge dans lequel l'opération a été montée », analyse un avocat d'affaires, spécialiste de la réglementation bancaire. Il juge toutefois que BNP Paribas n'a pas intérêt à renoncer. L'opération lui permettrait en effet d'étendre sa présence géographique mais aussi et surtout de renforcer mécaniquement son ratio de fonds propres (« tier one ») de 35 points de base. Ce détail prend toute son importance alors que les marchés s'inquiètent de la solidité financière de BNP Paribas. La banque pourrait bien laisser planer la menace d'un retrait pour faire pression sur l'État belge, qui n'a lui-même aucun intérêt à voir l'opération échouer. « Le dossier est du ressort de la justice, mais il n'est pas rare qu'un tel artifice soit utilisé pour pousser l'exécutif à se démener, quitte à proposer un autre montage », souligne le même avocat. En tout état de cause, BNP Paribas a maintenu l'assemblée générale extraordinaire qui doit autoriser demain l'augmentation de capital afin que la banque détienne?directement 74,94 % du capital de Fortis Banque et 15,57 % de celui de Fortis Banque Luxembourg.Sabine Cessou, à Amsterdam, Yann-Antony Noghès, à Bruxelles, et Ninon Renaud
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