Révolution à la City  : la fin de vingt ans de « laisser-faire »

C'est une révolution. » Adair Turner, le président de la Financial Services Authority (FSA), le régulateur britannique, n'y va pas par quatre chemins : dans un rapport majeur, il a présenté hier un retournement complet de la régulation financière britannique, tournant le dos à deux décennies de dérégulation.Président de la FSA depuis septembre dernier, il a hier enterré ce qui était encore récemment la principale fierté de la City : sa fameuse régulation « light-touch », où le régulateur ne se mêlait pas de trop près des affaires des institutions financières. « Le secteur bancaire est différent des autres et on ne peut pas l'approcher avec le même laisser-faire que les autres secteurs de l'économie », estime-t-il. En bref, l'homme le plus puissant de la City a hier mis fin à la croyance que les marchés se régulent d'eux-mêmes. « Il y a eu une erreur intellectuelle mondiale », assène-t-il. Il en profite pour attaquer l'extrême complexité de ce qu'il appelle la « soupe aux lettres », c'est-à-dire les produits structurés (CDS, CDO et autres CMBS)?Concrètement, lord Adair Turner propose une série de réformes, qui se résume en une phrase : « La FSA aura une approche plus intrusive et plus systémique. » Trois sujets sont au c?ur des changements : le capital des banques, leur liquidité et la transparence de leurs comptes.réservoir de sécuritéLe rapport plaide en particulier pour que le capital des banques soit contre-cyclique, à savoir que les banques augmentent leur capital quand l'économie va bien, afin de pouvoir y puiser en cas de récession. « Il faut que le système bancaire soit un absorbeur des chocs économiques, pas un amplificateur. » Cette contre-cyclicité se concrétisera via une « réserve pour le cycle économique », qui sera une ligne supplémentaire dans les comptes des banques, censée anticiper les pertes futures potentielles. Enfin, sur la liquidité, lord Turner propose la création d'un « ratio de refinancement », qui puisse permettre au régulateur d'estimer les risques que les banques présentent pour l'ensemble de l'économie. La FSA demande aussi un vrai effort de transparence de la part des banques, mais aussi des hedge funds. Conscient que ces changements ne peuvent pas s'opérer à un niveau national, lord Turner fait également un grand pas en avant vers l'Europe. Il recommande la création d'un régulateur européen, qui serait responsable de la mise en place des règles financières de l'Union européenne, ainsi que de la coordination des régulateurs nationaux. « C'est similaire à ce que propose Larosière [rapport remis à la Commission européenne par Jacques de Larosière, Ndlr] », précise lord Turner.Mais après ce virage à 180 degrés sur les principes, il reste un long travail de mise en place. La plupart de ces changements relevant de négociations internationales, les discussions risquent de prendre plusieurs années. « Ce n'est pas grave de prendre un an ou deux, estime lord Turner. Notre objectif est d'éviter un nouveau cycle d'exubérance irrationnel, mais il y a peu de chances que cela ne se produise à court terme. En revanche, ce sera un problème si les négociations traînent encore en 2013 ou 2014. » En d'autres termes, il s'agit de mettre en place les fondations évitant la prochaine crise, et non pas d'une solution à la crise actuelle.
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