Les comptes de Carrere intriguent l'AMF

L'étau se resserre autour du groupe de production audiovisuelle Carrere. Selon des sources industrielles, l'Autorité des marchés financiers (AMF) a ouvert une enquête sur le second producteur français de fictions («Kirikou », « Maigret », « Commissaire Moulin »?). Dans ce cadre, le gendarme de la Bourse a notamment effectué le mois dernier un raid dans ses locaux à La Plaine Saint-Denis (Seine-Saint-Denis).L'AMF enquêterait notamment sur les comptes communiqués par Carrere, notamment pour l'exercice 2007. Mi-février 2008, un chiffre d'affaires de 144 millions d'euros avait été publié par la société cotée. Mais, deux mois et demi plus tard, la société avait révisé ce chiffre à la baisse, à 134 millions. Selon le communiqué alors publié par la direction, la différence provenait notamment de la résiliation d'un contrat « de concession de droits littéraires » de 4 millions d'euros conclu avec une « maison d'édition littéraire ». Il s'agirait de Michel Lafon Publishing. Officiellement, la résiliation du contrat était due « à des difficultés de mise en ?uvre de l'exploitation, et au non-paiement des échéances dues ».Mais l'explication serait tout autre. Ce contrat aurait été retiré du chiffre d'affaires car il ne correspondrait pas à une commande effective. En effet, une contre-lettre confidentielle aurait ensuite été découverte, selon laquelle le contrat avec Lafon serait nul et non avenu. Cela aurait paru suffisamment grave aux commissaires aux comptes (PriceWaterhouseCoopers et Hermesiane) pour qu'ils écrivent à ce sujet au procureur de la République. Dans leur opinion sur les comptes 2007, les auditeurs critiquent aussi plusieurs choix comptables, notamment la présentation des dettes et une provision de 4 millions sur laquelle la direction n'a pas fourni de justificatif.Les comptes 2007 sont aussi marqués par une dépréciation massive du catalogue (? 115 millions d'euros), entraînant des pertes tout aussi massives (? 136 millions), alors que le producteur était jusque-là bénéficiaire. Officiellement, la société a expliqué cette révision soudaine par la dégradation du marché, ainsi que « des différences entre les prévisions de recettes futures et leurs réalisations ».« information trompeuse »Cette dépréciation « brutale », ainsi que « le mode de comptabilisation de la production audiovisuelle » ont intrigué Deminor. La société de conseil des actionnaires avait été alertée par des actionnaires minoritaires qui reprochaient à la direction d'avoir « caché la situation réelle en diffusant une information trompeuse ». Après examen, Deminor a accusé la direction de ne pas avoir « donné une image fidèle de la situation financière » et publié une communication financière « exagérément optimiste ». Le cabinet a donc saisi l'AMF fin novembre.Les problèmes de Carrere avaient démarré il y a un an, quand la société n'a pas pu honorer un crédit bancaire de 52 millions d'euros, dont 38 millions prêtés par BNP Paribas, CIC, LCL, Caisse d'Épargne, Oséo et Palatine. En août 2008, un accord avait été signé avec les créanciers pour une reprise par les frères Di Sabatino, dirigeants du producteur Moonscoop. Mais cet accord prévoyait que le repreneur apporte une trentaine de millions d'euros avant fin novembre. Les frères Di Sabatino ne réunissant pas la somme, ils ont demandé un sursis, mais le fondateur et principal actionnaire, Claude Carrere (78 ans), s'y serait, selon eux, opposé. Finalement, Claude Carrere a déposé le bilan à la veille de Noël. Sollicités à plusieurs reprises, ni Carrere ni Lafon n'ont répondu, tandis que PWC et Hermesiane se refusaient à tout commentaire. n
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