Pharmacie  : les labos se réinventent

Et de six. L'annonce, hier, de l'acquisition de l'américain Stiefel par le britannique GlaxoSmith- Kline (GSK) pour 3,6 milliards de dollars (lire ci-contre) ajoute une ligne à la liste déjà longue des emplettes menées par les laboratoires pharmaceutiques depuis le début de l'année. Ces rachats de toutes tailles ? de quelques centaines de millions à plusieurs milliards de dollars ? tranchent avec la frilosité de mise dans les autres secteurs en ces temps de crise. Pourquoi une telle ébullition ? Les raisons tiennent à la fois aux faiblesses et aux atouts du secteur.Si leurs difficultés sont moins visibles que celles des établissements bancaires ou de la filière auto, les laboratoires pharmaceutiques vivent une véritable révolution de leur modèle de développement. Au c?ur de ce bouleversement, l'arrivée à échéance des principaux brevets de médicaments, après des périodes d'exploitation qui ont parfois duré une décennie. « Entre 2008 et 2012, les pertes de brevets vont représenter en moyenne 42 % du chiffre d'affaires de l'industrie ! » rappelait William Burns, responsable de la division pharmacie du suisse Roche, en présentant les résultats annuels du groupe en février. signes de faiblesseLe cas du Lipitor de Pfizer ? 12 milliards de dollars de revenus annuels qui tomberont dans le domaine public en 2011 ? est emblématique de cette crise, mais aucun labo n'est épargné : plus de 40 % des ventes menacées chez Sanofi et GSK, et même 60 % pour l'anglo-suédois AstraZeneca, selon le cabinet de conseil Bionest. De quoi renvoyer au passé le modèle des « blockbusters », ces médicaments à plus d'un milliard de dollars de chiffre d'affaires qui ont pourtant fait les beaux jours de l'industrie. « Concentrer les ventes sur un nombre restreint de produits a été très pertinent dans une industrie de coûts fixes comme la pharmacie, explique Sylvain Goyon, analyste chez Natixis. Cela a permis de doper la rentabilité opérationnelle des laboratoires, qui atteint jusqu'à 35 % pour les meilleurs élèves. » Mais la donne a changé. Arrivée massive des génériques, ces copies « légales » qui font perdre en quelques semaines 90 % de son chiffre d'affaires à un médicament, encadrement plus strict des dépenses de santé par les autorités réglementaires? Les labos traditionnels n'ont plus la cote. Pis, leur marque de fabrique ? la recherche de molécules innovantes ? montre d'évidents signes de faiblesse. Et ils ne s'en cachent plus. « Nous faisons face à une baisse de la productivité de la R&D », a carrément admis Chris Vieh­bacher, le nouveau directeur général de Sanofi, lors de l'assemblée générale du groupe, vendredi. Une première dans une industrie qui ? à quelques exceptions près, comme le suisse Roche ? s'était fait un devoir de glorifier ses équipes internes de R&D. Si l'on y ajoute le coût ? 800 millions à 1 milliard de dollars en moyenne ? et le temps ? 12 à 15 ans ? nécessaires à la mise au point d'un médicament, on comprend que les labos aillent chercher de nouveaux relais de croissance.Pour cela, l'industrie dispose d'un atout de taille : elle ne connaît pas la crise. Dotés de trésoreries pléthoriques au regard des autres secteurs ? l'équivalent de 10 à 25 % de leur chiffre d'affaires ?, les laboratoires jouissent aussi de la confiance de la communauté bancaire et des investisseurs. De quoi leur permettre de recourir à la dette et à l'emprunt obligataire, à l'image de Roche et Pfizer. « La pharmacie n'est pas exempte de risques, mais, contrairement aux autres industries, ces derniers sont en grande partie connus et chiffrables », résume un spécialiste du secteur. Dès lors, chacun y va de sa stratégie : mégafusions pour les américains Pfizer ou Merck, acquisitions ciblées pour le français Sanofi-Aventis ou le britannique GSK. Avec un point commun, la diversification au-delà des grands médicaments traditionnels : biotech, génériques, vaccins, médicaments sans ordonnance (lire ci-contre). grossir à tout prixDès lors, il n'y a pas de raison que le mouvement s'arrête. « Tous les laboratoires doivent bouger », assure l'économiste Claude Le Pen. Avec GSK, ce sont cinq des dix principaux groupes pharmaceutiques mondiaux qui ont rejoint la course à la croissance externe. Qui seront les suivants ? « AstraZeneca et les américains BMS et Lilly sont menacés par des expirations de brevets sur leurs grands produits et possèdent une capacité relativement faible à les renouveler », juge Sylvain Goyon. Selon le « Wall Street Journal », la division pharmacie de Solvay (2,7 milliards d'euros) pourrait intéresser des acteurs aussi divers que Bayer, Sanofi, Abbott, AstraZeneca ou Merck KGaA. Une chose est sûre : les labos n'ont pas fini de se réinventer. nentre 2008 et 2012, les pertes de brevets vont représenter 42 % du chiffre d'affaires du secteur.
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