L'Asie ne sera pas sauvée par le découplage

Un petit 9 %, le chiffre de la croissance chinoise au second trimestre, annoncé lundi, a été commenté dans toute la région. Le Japon, qui a désormais la Chine comme premier partenaire commercial, a très mal accueilli la nouvelle. Tout comme la Corée du Sud et les autres pays. Une telle attention rappelle à quel point la Chine est devenue centrale mais aussi, paradoxalement, à quel point la demande chinoise ne parvient pas à compenser les difficultés américaines. Cette crise financière a fait une victime théorique : celle du " découplage ". Selon ses avocats, le reste du monde connaissait une croissance suffisamment soutenue pour résister au choc d'un décrochage de la demande américaine. Cette théorie était surtout employée à propos de l'Asie, avec, dans le rôle de la nouvelle matrice de la région, la Chine.L'économiste Russel Napier, de CLSA, l'a défendue dans une longue étude intitulée " Six degrés de séparation " parue en 2007 : selon lui, une nouvelle classe de consommateurs émergeait en Chine, financée par des facilités de crédit à la consommation offertes par un secteur bancaire modernisé. Ces centaines de millions d'individus allaient bientôt tirer la demande pour les produits chinois mais aussi pour ceux de toute l'Asie, se substituant à la proverbiale " locomotive américaine ". De nombreux indicateurs appuyaient cette thèse. La Chine est devenue le premier partenaire commercial, devant les États-Unis, de la plupart de ses voisins. " On dit que les Chinois ont une propension à épargner. Mais dès qu'ils en ont eu les moyens, les Chinois de Hong Kong et de Taiwan se sont mis à consommer ", rappelle Russel Napier.MODELE DE SOUS-CONSOMMATIONProblème : la Chine demeure une économie de sous-consommation, dont la croissance est tirée par les exportations. " Le Royaume-Uni est une source de demande supérieure à celle de la Chine et de l'Inde combinée ", relève Jim Walker, d'Asianomics, dans une note récente. Laconsommation représente un minuscule 38 % du PIB chinois ; un tel niveau de demande ne peut suffire à tirer sa propre offre. Les autres pays sont dans la même seringue. Dans le cas du Japon, 80 % de la croissance provient aujourd'hui de ses exportations. La Chine ne reste, au fond, qu'un chaînon entre les autres économies d'Asie et les États-Unis, source finale des produits finis estampillés made in China. " Les exportations des pays asiatiques ne sont pas dépendantes de la croissance chinoise, mais sont corrélées aux exportations chinoises vers les États-Unis. Les excédents commerciaux de l'Asie doivent correspondre aux déficits commerciaux du reste du monde : or les États-Unis représentent 40 % du déficit commercial mondial ", remarque l'économiste Richard Katz. Jim Walker enfonce le clou : " L'Occident conserve une domination écrasante en termes de dépenses de consommation. " Conclusion : l'Asie n'est toujours pas maîtresse de son destin économique, et elle souffrira terriblement de la crise américaine.L'acier et le textile chinois touchésLa consommation intérieure progresse toujours et Pékin a relancé ses investissements en infrastructures, la croissance des exportations chinoises ralentit. Deux secteurs sont principalement touchés : l'acier, dont les ventes à l'étranger ont reculé de 2,1 % lors des neuf premiers mois, et le textile, en hausse de 1,8 % contre 23 % l'an dernier. Si les aciéries résistent au choc en raison d'une demande locale toujours forte, de nombreuses usines de textile ont fermé leurs portes et procédé à des licenciements massifs, notamment dans la région côtière du Guangdong.
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