L'Australie s'inquiète des visées chinoises

Depuis longtemps habituée à voir la plupart de ses grandes compagnies minières contrôlées depuis Londres, New York et parfois même Tokyo, l'Australie ne semble pas se faire à l'idée qu'un grand nombre d'entre elles puisse l'être demain depuis Pékin. La tendance n'est pourtant pas nouvelle et elle n'a surtout pas attendu l'annonce, le 12 février dernier, d'une alliance stratégique entre Chinalco et Rio Tinto, pour apparaître. Plus de 7.000 accords ont été signés ces deux dernières années entre les sociétés des deux pays, mais la crainte de voir un des fleurons nationaux changer de main a ravivé certaines inquiétudes en Australie. Wayne Swan, le ministre fédéral de l'Économie, qui doit encore valider l'opération, a plusieurs fois assuré qu'il prendrait sa décision selon les intérêts du pays, « mais peut-il sérieusement s'y opposer », demande Peter Arden, analyste à Melbourne. Deux ans après que l'empire du Milieu a débuté son raid sur les matières premières australiennes, les spécialistes n'arrivent toujours pas à digérer la présence des fonds souverains chinois et redoutent un éventuel conflit d'intérêt entre fournisseurs et clients, préjudiciable aux producteurs. « Ces deux points doivent faire l'objet de réflexion, mais il n'y a aucune raison valable de s'opposer à ce genre d'opération », estime l'avocat d'affaires Robin Chambers. L'Australie ne peut surtout pas faire autrement. « Avec l'assèchement des crédits, les compagnies minières n'ont d'autre choix que d'ouvrir leur capital à ceux qui ont de l'argent frais à investir », rappelle encore Peter Arden. De plus, la chute de 40 % du dollar australien depuis octobre dernier offre « de très belles opportunités à saisir », reprend Robin Chambers.C'est également ce que doivent se dire les Chinois, qui, profitant des problèmes de trésorerie de compagnies minières souvent endettées, ont considérablement accéléré le rythme de leurs acquisitions ces derniers mois. message politiqueRien que la semaine dernière, Fortescue Metals Groups a confirmé avoir entamé des négociations avec le sidérurgiste Baosteel, qui serait prêt à investir 1,5 milliard d'euros pour entrer au capital du troisième producteur de minerai de fer d'Australie, pendant qu'OZ Minerals, spécialiste des non-ferreux, est prêt à accepter l'offre de 1,2 milliard d'euros formulée par Minmetals. En moins de deux ans, la Chine a investi directement plus de 20 milliards d'euros dans le secteur minier australien. Déjà premier partenaire commercial de l'Australie depuis 2007, Pékin en est aujourd'hui le septième investisseur. « Plus qu'une décision commerciale, c'est un véritable message politique qu'enverra Wayne Swan à la Chine », prévient Ian Mc Cubbin, directeur de la filiale australienne du consultant chinois Deacons. La réponse du ministre n'est pas attendue avant un mois. D'ici là, les actionnaires de Rio Tinto auront peut-être déjà torpillé la solution chinoise.
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