Les gérants de fonds ISF en terrain difficile

En cette période de pénurie de financements, les presque 550 millions d'euros collectés par les fonds ISF (impôt de solidarité sur la fortune) sont une manne opportune pour renforcer les fonds propres des PME françaises. Pour les professionnels de l'investissement, le véritable travail commence maintenant. Les difficultés aussi.Le succès rencontré par les mesures d'abattement de l'ISF via l'investissement dans les jeunes PME est réel. Pas moins de 45.000 redevables ont souscrit au travers de 29 fonds. Avec la création des FIP (fonds d'investissement de proximité), le private equity avait commencé à se rapprocher des petites entreprises : 160 millions d'euros investis entre 2003 et 2007. Désormais, avec la loi Tepa (loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat), le mouvement prend de l'ampleur : en trente mois, au moins 350 millions d'euros seront investis par le biais des fonds ISF. Une manne pour les petites entreprises, mais qui risque de se traduire en enfer pour les gérants. Car, si l'investissement est leur métier, le " business as usual " n'est pas de mise avec les fonds ISF.Le facteur humain est crucial. Intervenant dans un segment de marché déjà encombré par de nombreux acteurs (SDR, fonds régionaux, fonds d'amorçage, business angels...), les fonds ISF devront être vigilants afin de ne pas rééditer les déconvenues connues par les FCP Innovation des années 1990.Ici, plus qu'ailleurs, l'humain prime. Un facteur difficile à évaluer. Avec un ticket en moyenne de l'ordre du million d'euros, il n'est pas rentable de mobiliser des ressources importantes, et les gérants doivent pouvoir s'appuyer sur des process standardisés d'évaluation et de suivi de leurs participations... Or, ces sociétés s'y prêtent moins que d'autres. Plus des deux tiers des entreprises concernées sont petites, voire très petites ; leur mode de fonctionnement est à l'opposé des standards des professionnels de l'investissement. Pour générer une création de valeur positive, hors économie initiale d'ISF, les gérants vont devoir changer de braquet.L'horizon est le long terme. Dans les entreprises patrimoniales, le chef d'entreprise est souvent aussi le chef de famille. Deux logiques qui ne se recoupent pas complètement. La difficulté ne consiste pas simplement à dépasser les divergences familiales. Préserver une manière de vivre ou transmettre un patrimoine constituent parfois un objectif central. L'horizon est le long terme. On est loin des préoccupations d'un investisseur professionnel pour qui la maximisation de la rentabilité et la valorisation de l'actif sur une période moyenne de 5 ans sont clés.Dans ces entreprises, la gouvernance patrimoniale s'exprime à plusieurs niveaux. Qu'il s'agisse des processus décisionnels ou des ressources humaines, le gré à gré prévaut et la personnalité du dirigeant domine. Pour le gérant, évaluer ces paramètres devient crucial : ils conditionnent la valorisation de la participation ; ils influent sur la capacité de l'entreprise à déployer une stratégie de croissance et ils déterminent la qualité de la relation avec le management.La trésorerie est vitale et les dirigeants portent une attention extrême à l'équilibre financier. Leur priorité consiste à éviter les situations de cessation de paiements. Pour autant, la gestion se réduit souvent au strict minimum : trésorerie à quelques semaines, comptes annuels, respect des obligations fiscales. Les indicateurs qui intéressent habituellement le professionnel sont bien souvent inexistants. Le dirigeant navigue à vue, le besoin en fonds de roulement est mal évalué, les marges par ligne de produits sont inconnues. Le gérant se trouve face à un manager étranger à la finance, à son langage, à son univers. Quant à la stratégie industrielle et commerciale, elle n'est pas toujours définie. Le dirigeant se tourne vers le capital-investissement pour un apport en fonds propres, en vue de renforcer la situation de son entreprise. Au départ, il n'est pas nécessairement à la recherche d'un levier de croissance. Pour un actionnaire minoritaire potentiel, l'identification a priori d'un projet de développement pérenne devient alors essentielle.Réactivité et maîtrise des budgets.Pour éviter les mauvaises surprises, les fonds vont devoir être réactifs et se positionner sur les dossiers en un temps record avec un budget maîtrisé. Ce qui fera la différence sera la capacité à décrypter rapidement les ressorts de l'entreprise dans ses trois composantes : les objectifs et le mode de fonctionnement du dirigeant ; les principales forces et faiblesses de l'entreprise sur son marché, enfin les perspectives financières.(*) Respectivement, directeur général et directeur associé de Red2Green (www.red2green.eu), cabinet de conseil spécialisé dans l'amélioration des performances opérationnelles et financières des entreprises en phase de mutation.
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