Gribouilleur

Gribouiller, c'est regarder un film en face », déclarait Federico Fellini (1920-1993), dont une sélection de dessins est aujourd'hui présentée au Musée des Beaux-Arts de Nancy. Et il ajoutait facétieux, « j'ai toujours gribouillé ». Dès son plus jeune âge, le futur réalisateur s'amuse à dessiner. Un don chez lui, comme celui de cinéaste. Il a à peine 17 ans qu'il donne déjà des caricatures d'acteurs aux journaux locaux de son Rimini natal. Sans aucun souci de la réalité mais de la vérité. Rien ne lui échappe. Le moindre trait de caractère, la moindre mimique révélant un individu dans ses faiblesses, dans ce qu'il veut cacher, s'épanouit sous son trait. D'ailleurs sa vocation était de devenir dessinateur humoristique. C'est dans cet esprit que Fellini se rend à Rome, la ville dont il va s'emparer en devenant cinéaste. Mais il n'oublie pas pour autant ces artistes que sont les peintres. « Le film est l'enfant de la peinture », dit-il. Alors il n'arrête jamais de « gribouiller ». Au début ce sont des dessins coloriés, comme le font les enfants. Ils lui servent à élaborer les images ou les personnages de ses films. Et cela passe toujours par des portraits de comédiens : Giulietta Masina, Marcello Mastroianni, Toto, même s'il n'a jamais tourné avec ce dernier. D'autres y passent. Et lui-même. Fellini sait se regarder sans aucune complaisance, toujours ressemblant avec son éternel chapeau vissé au crâne. la violence du désir« Le plus difficile, dit-il, est de trouver chez un acteur ce qui va correspondre au dessin. » Et puis il y a les femmes, toutes ces femmes. Ces « donne », dans la démesure d'une sexualité exacerbée. Femmes aux seins énormes, mères nourricières et amantes. Au fil des ans, le dessin, le gribouillage vire au pur fantasme. Et plus encore lorsqu'il met en scène un homme priapique au sexe démesuré. L'érotisme est devenu un argument, presque envahissant. Il n'y a plus de place pour la rêverie. La violence du désir prime. Les quelque 80 dessins ici rassemblés révèlent une intimité aussi touchante que sincère. Ces feuilles, d'ailleurs, Fellini ne voulait pas les montrer même s'il s'est laissé tenter par une première exposition à Paris en 1982. Celle d'aujourd'hui dévoile les deux volumes du « Livre de mes rêves ». Une rareté. Car il s'agit là d'un cahier qu'il tint par intermittence entre le début des années 60 et 1990 au fil de l'analyse qu'il suivait. Comme il se plaignait de ne pas retenir ses rêves, son psy lui avait recommandé de les noter dans un carnet. Là, les dessins sont presque maniaques, d'une rare précision dans le détail. Obsessionnels. Surtout ne rien oublier. La fantaisie a laissé la place à l'aveu. Un seul regret dans cette exposition : les cartels écrits en caractères fins et petits sont pratiquement illisibles. Dommage !«Quoi de neuf Federico ?» Dessins de Fellini, au Musée des Beaux-Arts de Nancy, 3, place Stanislas, 54000 Nancy. Tél. : 03.83.85.30.72. Jusqu'au 28 janvier 2009.
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