La crise bouleverse l'intégration industrielle en Asie

Patiemment tissée au fil des décennies avec à la clé une expansion économique fulgurante, l'intégration industrielle de l'Asie se métamorphose brutalement sous l'influence de la crise mondiale. La division du travail régionale, qui a fait du Japon, de la Corée, de Hong Kong, Singapour ou Taiwan les fabricants de biens semi-finis que la Chine assemble puis exporte vers les pays riches, est devenue un vecteur de diffusion du marasme économique et répercute la contraction de la demande comme une patate chaude. « La forte intégration économique régionale pourrait rapidement propager un choc à travers les économies de la région », avait justement pronostiqué la Banque asiatique du développement (BAD) dans un rapport de 2007. L'intégration industrielle de l'Asie de l'Est, l'un des phénomènes économiques marquant de la fin du XXe siècle, était pourtant prometteuse. Entre 1995 et 2004, les échanges de biens intermédiaires ont été multipliés par deux dans la région. L'expansion commerciale a joué comme aiguillon de l'industrialisation et de la concentration « verticale » des entreprises et de la croissance régionale. Depuis la crise financière asiatique de 1998, celle-ci a atteint 6,5 % l'an en moyenne, tirée par « la vigueur de l'émergence de la République populaire de Chine qui a ajouté plus de points de croissance à la croissance asiatique », estime la BAD.Mais avec la crise et les fermetures d'usines chinoises par milliers, « on assiste au détricotage de l'intégration industrielle régionale », estime un expert français. « Dans le delta de la rivière des Perles, au sud de la Chine, les entrepreneurs hongkongais ou taiwanais sont particulièrement nombreux à mettre la clé sous la porte », souligne-t-il. Ces derniers mois, le nombre des faillites d'entreprises de Hong Kong installées dans le Guangdong aurait atteint 15 % sur un total de 75.000, selon la fédération des industries de Hong Kong. Parallèlement le Japon, la Corée, Singapour, Taiwan, Hong Kong ont commencé à basculer dans la récession au dernier trimestre 2008. chute de l'import-exportUne étude de la Commerzbank souligne qu'en janvier, « l'effondrement des importations et des exportations (chinoises) est principalement dû à la baisse du commerce au sein de l'Asie ». En témoigne la chute de 25 % des exportations chinoises vers l'Asie, tandis que les importations en provenance de ses voisins ont été divisées par deux. « Ce mouvement s'accompagne d'une restructuration parfois douloureuse des relations entre la Chine et ses voisins », ajoute l'expert français. Dernier exemple en date, le rachat par le constructeur automobile chinois Saic de son partenaire coréen Ssangyong, qui était en mauvaise passe et dont les Coréens accusent aujourd'hui la Chine d'avoir favorisé la faillite pour mieux piller ses technologies. Plus qu'une menace sur l'intégration industrielle de l'Asie, l'épisode actuel marque une nouvelle étape de la division du travail asiatique qui verra probablement le jour après la crise, prévoit l'expert.La Chine l'a fait savoir, elle ne veut plus se cantonner au rôle d'usine du monde et aspire à fabriquer des produits plus haut de gamme. La province du Guangdong aspire à devenir un centre « high-tech ». Et ses autorités « ont délibérément poussé les coûts de production à la hausse pour accélérer le processus », rapporte une étude de la mission économique française de Pékin. Selon cette étude, les exportations chinoises de produits à faible valeur ajoutée comme l'habillement ont aujourd'hui chuté de 33 %. En revanche, un industriel comme le fabricant européen de puces, STMicroelectronic, compte doubler ses effectifs en Chine à 9.000 employés en 2009. Une telle évolution ferait de la Chine un concurrent plus qu'un complément pour ses voisins. nLes autorités chinoises ont délibérément poussé les coûts de production à la hausse.
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