Business et famille, un mariage qui finit mal ? parfois

Les entreprises familiales se transforment parfois en village gaulois : tous unis contre l'extérieur. Mais il arrive aussi que la zizanie s'immisce sournoisement entre les membres de la famille. Parfois pour de simples problèmes d'ego, comme dans l'album d'Astérix « la Zizanie », où Détritus envoyé par Césarute;sar flatte un à un les héros gaulois en les affublant du titre ronflant d'« homme le plus important du village ». Mais pour basculer de l'harmonie au pugilat, les histoires d'argent constituent encore le meilleur détonateur. Le tribunal de commerce de Paris est ainsi appelé aujourd'hui à trancher un différend opposant Albert Uderzo à sa fille unique, Sylvie Uderzo de Choisy. Celui qui a créé Astérix avec René Goscinny (décédé il y a plus de trente ans) a vendu en décembre 2008 au groupe d'édition Hachette les 40 % qu'il détenait dans la société Albert-René. La procédure ne remet pas en cause la prise de contrôle de la société par Hachette, mais elle a pour objectif d'obliger le patriarche (81 ans) à transmettre à sa fille les éléments du contrat de vente. Dans cette dispute privée mise sur la place publique, d'autres procédures judiciaires ont été engagées, notamment devant les prud'hommes où la fille contestait son licenciement « pour faute grave » par son propre père.Chez les Bettencourt, pas besoin non plus d'être une famille nombreuse pour voir apparaître la discorde. Liliane, unique héritière du fondateur de L'Oréalcute;al, n'a qu'une fille, Françoise. Dans un héritage qui se chiffre en milliards d'euros, et dont elle a déjà la nue-propriété, Françoise Bettencourt Meyers craint d'en voir une partie s'évaporer sous forme de dépenses extravagantes de sa mère. La justice est appelée en arbitre. Les querelles de familles apparaissent plus facilement quand la saga en est à la troisième ou quatrième génération et que les descendants se dénombrent par dizaines voire beaucoup plus. Les désaccords chez les Wendel, où ils sont aujourd'hui 950 actionnaires familiaux, peuvent s'expliquer plus banalement par la dilution de l'« affectio societatis ».conserver le pouvoirPourtant, les affaires de famille ne finissent pas toujours mal. Même si le changement de génération est une période à risque, certains groupes sont passés au-delà tout en gardant leur capacité d'innovation et de développement. Le groupe Michelin, à plus de 110 ans, a toujours la famille au conseil de surveillance, en situation de contrôle grâce au statut de société en commandite. Même si les descendants des frères Michelin n'ont plus de poids au capital. Chez les Peugeot, on a préféré conserver le pouvoir économique : la famille détient 30 % du capital et 45 % des droits de vote du groupe PSA. Mais le maintien de ce contrôle s'est sans doute fait au détriment d'un plus important développement international.Cependant, le contrôle familial est plus souvent un atout qu'un handicap. Si l'on regarde les rendements des Sicav ou fonds communs de placement investis dans des entreprises à capital familial, force est de constater qu'ils font mieux que la Bourse. Depuis le début de l'année, par exemple, le fonds Oddo Génération affiche un gain de 12,8 % quand le CAC 40 (dividendes réinvestis) s'apprécie de 5,3 %. Sur un an, ce même FCP se replie de 26,9 %, alors que l'indice phare parisien recule de 31,3 %. À plus long terme, le fonds fait confirme cette avance.Autrement dit, la Bourse accorde une prime à ces entreprises par rapport à celles détenues par des investisseurs institutionnels ou de multiples porteurs de parts. Pourquoi une telle préférence ? De l'avis des spécialistes, les sociétés familiales ont un management bien plus resserré et propre à prendre rapidement les décisions qui s'imposent. Les dirigeants sont davantage impliqués et s'adaptent de façon plus efficace lors des moments critiques. « Ces firmes sont moins endettées et autofinancent leur croissance, explique Emmanuel Chapuis, gérant du fonds Oddo Génération. Elles présentent ainsi des bilans plus sains avec de moindres risques. On comprend mieux dès lors pourquoi leur performance est plus linéaire et de meilleure qualité sur la durée. »En période de crise, les sociétés à capital familial ont l'avantage de véhiculer un message simple : pour financer leur développement, elles ne comptent que sur elles-mêmes, n'agissent qu'avec une extrême prudence et affichent ainsi un taux de rentabilité élevé avec une moindre volatilité. D'où leur très nette avance depuis le début de l'année, la reprise ayant surtout profité aux sociétés aux fondamentaux solides et à la tête de marques fortes, comme c'est le cas bien souvent pour les firmes familiales (on pense ici à L'Oréalcute;al, LVMH ou Pernod-Ricard, qui bénéficient aussi depuis plusieurs semaines de la pertinence de leur stratégie). Cerise sur le gâteau pour les actionnaires de ces entreprises, lors de transmissions difficiles, elles sont bien souvent le terrain de joutes boursières fort propices aux cours de Bourse. Les familles nourrissent ainsi, malgré elles, la spéculation.
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