« La révolution verte est une opportunité sans précédent »

Les députés ont voté la semaine dernière à la quasi-unanimité la loi Grenelle 1. Partagez-vous leur enthousiasme ?Le Grenelle de l?environnement a induit une dynamique très puissante en France. Toutes les préoccupations qui commençaient à naître à propos du développement durable se sont cristallisées. La France a probablement acquis à cette occasion une avance importante sur ces sujets. Il faut désormais alimenter la dynamique qui avait été enclenchée. C?est notre challenge à tous. Le Grenelle est très ambitieux pour tout ce qui relève de la construction. À compter de 2020, tous les bâtiments neufs devront par exemple produire au moins autant d?énergie qu?ils en consomment. Est-ce réaliste ? Oui. Les industriels comme leurs fournisseurs disposent de tous les composants nécessaires pour permettre la construction de logements ou d?équipements publics répondant aux objectifs fixés par le Grenelle, tant en termes de consommation d?énergie que d?émissions de gaz à effet de serre. Mais il reste une difficulté majeure à surmonter : la filière de la construction est encore très atomisée. Cela conduit encore trop souvent ses acteurs, dans chaque segment de la chaîne de valeur, à s?affronter plutôt qu?à coopérer. Or, pour améliorer la performance énergétique d?un bâtiment, on ne peut pas se contenter de mettre de la laine de verre dans les combles. Il faut considérer l?enveloppe du bâtiment, la manière dont il est utilisé, la gestion des flux d?air, les comptages d?énergie, mais aussi le génie climatique et la régulation thermique. Nous construisons en ce moment un bâtiment de bureaux à Dijon pour le compte d?un groupe d?ingénierie spécialisé dans le génie climatique qui souhaite évidemment disposer d?un siège parfaitement exemplaire en matière environnementale. Les différents composants utilisés pour sa conception et sa construction ne sont pas très originaux. En revanche, le maître d?ouvrage nous a fait intervenir très en amont dans la phase de conception, avant même que les plans ne soient définitivement élaborés par l?architecte, de telle sorte que les experts des structures, des façades, du chauffage, ou encore du génie climatique travaillent ensemble. La révolution verte est-elle pour vous une contrainte ou une opportunité ? Il s?agit très clairement d?une opportunité sans précédent pour nos métiers. Nous n?avons pas encore mesuré le centième des conséquences de la révolution verte sur les chaînes de valeur, la vocation et l?organisation des entreprises mais aussi sur les relations entre les entreprises et leur environnement. Ne craignez-vous pas que la crise financière freine cette révolution verte ?Non, il faut regarder les choses sur le long terme. Je constate que les augmentations un peu traumatisantes des prix du pétrole il y a un an ont largement fait progresser l?idée qu?il est urgent de parvenir à une plus grande performance énergétique. Mais respecter l?environnement coûte cher. À combien estimez-vous par exemple le surcoût généré par la construction d?un bâtiment respectueux de l?environnement ? Si l?on regarde le surcoût immédiat, c?est 5 à 10?% de plus. Mais la révolution verte doit impérativement s?appréhender en intégrant la durée d?utilisation, très longue, d?un bâtiment. De ce point de vue, le partenariat public-privé est un outil extraordinaire au service du développement durable, dans la mesure où il prend en compte non seulement le coût de la construction d?un bâtiment, mais aussi son coût d?exploitation. Il permet en outre de confier à un interlocuteur unique la gestion de plusieurs segments de la chaîne de valeur et ainsi d?être plus efficace dans la gestion des interfaces, qui occasionnent beaucoup de déperditions d?énergie. Si vous nous confiez le soin de financer, de construire, d?opérer et de maintenir un collège pendant trente-cinq ans, nous choisirons les isolants, les matériaux, la chaufferie, la gestion de flux d?air appropriés qui correspondront à un surinvestissement à l?origine mais dont nous sortirons très largement gagnants sur le long terme en matière de coût de maintenance ou de coût d?exploitation. Vos clients sont également des bailleurs. Ce ne sont pas eux qui bénéficieront au premier chef des économies d?énergie mais leurs locataires. Comment les convaincre de faire cet effort financier ? Je ne crois pas que les acteurs qui sont à la fois propriétaires et occupants de leurs biens soient plus motivés par le Grenelle que ceux qui investissent dans un bien locatif. Je vous donne un exemple. Une grande société foncière, propriétaire d?un ensemble immobilier construit il y a trente ans en Île-de-France a fait appel à nous pour rénover son bien. Et elle n?a pas eu besoin qu?on la convainque d?investir plus de 100 millions d?euros pour proposer à ses futurs occupants des bâtiments respectueux de l?environnement. Si elle ne l?avait pas fait, elle n?aurait pas trouvé de locataires. Vous êtes leader dans la construction et la gestion d?autoroutes. N?est-ce pas un point faible pour un groupe qui prône la révolution verte ? Détrompez-vous ! Les autoroutes que nous livrons aujourd?hui sont incommensurablement plus respectueuses de l?environnement que les sections de routes nationales livrées il y a vingt ans et même qu?une section autoroutière construite il y a dix ans. Elles respectent les nouvelles réglementations en matière de bruit, de loi sur l?eau, de préservation de la biodiversité. Elles font appel aux technologies de l?information et de la communication pour mesurer et réguler tout ce qui est lié au trafic et à la sécurité. En outre, sur une autoroute, vous demandez à l?usager d?acquitter ? via les péages ? une partie des externalités négatives de son déplacement. Mais je vous l?accorde, il y a encore énormément à faire pour rendre davantage « éco-friendly » les infrastructures existantes. Mettre l?ensemble du réseau autoroutier de Vinci en conformité avec les normes mises en ?uvre sur les sections les plus récentes suppose d?investir des milliards d?euros. Mais les autoroutes ne sont pas la meilleure solution pour faire en sorte que les déplacements entraînent moins d?émissions de gaz à effet de serre? Nous sommes très impliqués dans la construction ferroviaire, qu?il s?agisse de lignes à grande vitesse, de tramways ou de métros. Mais sachez qu?il est possible d?utiliser beaucoup mieux les infrastructures autoroutières existantes que nous ne le faisons aujourd?hui. Il y a une règle physique simple que l?on ne doit jamais oublier. Sur une autoroute, on atteint un débit optimal quand toutes les voitures roulent à la même allure, et non lorsqu?elles sont libres d?accélérer et de ralentir comme bon leur semble. Vous voulez automatiser le trafic sur les autoroutes ? Il suffit de réguler le trafic via des panneaux à messages variables, qui incitent les automobilistes à réduire si besoin leur vitesse. Nous avons mis en oeuvre ce dispositif de régulation avec succès sur l?autoroute A7. Il a permis de réduire significativement les émissions de CO2 : des véhicules qui circulent tous à 110 km/h consomment moins de carburant.Êtes-vous également favorable à une grande liberté de tarification afin d?améliorer la régulation du trafic? Ce sujet relève de nos autorités de tutelle. En revanche, il serait judicieux de mettre en place des systèmes de passage au péage sans arrêt, ce que l?on appelle le « free flow ». L?essentiel du réseau autoroutier en France est constitué de barrières de péage où l?on paye en liquide, par carte bleue ou avec des badges électroniques. Tous ces dispositifs imposent aux automobilistes de marquer un temps d?arrêt à chaque barrière. Or, à chaque fois qu?un camion s?arrête puis redémarre, il consomme entre un et deux litres de gazole. Si l?on mettait en place, rien que sur le réseau d?Autoroutes du Sud de la France et uniquement pour les flottes de poids lourds, des systèmes de péage sans arrêt, l?économie générée avoisinerait les 100 millions de litres de gazole par an ! Autrement dit, les transporteurs routiers concernés pourraient économiser ?100 millions d?euros par an et, par la même occasion, on pourrait éviter l?équivalent des émissions annuelles de CO2 d?une ville de 15.000 habitants. Propos recueillis parPierre Kupferman, DominiquePialot et Sophie Sanchez
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