Frédéric Bastiat, économiste intempestif à (re) découvrir

À la mi-février, dans un discours prononcé devant le Parlement européen, le président tchèque, Vaclav Klaus, dont le pays assure la présidence de l'Union européenne, fustigeait l'intervention des États dans l'économie en citant Frédéric Bastiat que « beaucoup d'entre vous connaissent ». Rien n'est moins sûr. Bastiat (1801-1850), député des Landes, économiste, défendait farouchement en son temps la liberté de l'individu, se prononçait résolument en faveur du libre-échange et de la concurrence en matière économique, et s'opposait frontalement au socialisme et au colonialisme. C'est sans doute ce qui explique qu'il soit étudié à l'étranger plus qu'en France, et qu'il soit reconnu comme un de leurs ascendants par les libéraux. Son style clair et sans jargon en fait pourtant un bon initiateur à l'économie, comme en témoigne le texte célèbre « Ce qu'on voit et ce qu'on ne voit pas ». Ce texte et d'autres sont réédités par les éditions Les Belles Lettres sous le titre de « Pamphlets ». Bastiat se distingue en effet par un véritable talent en la matière, indispensable pour qui veut intervenir dans le débat public. C'est là aussi l'occasion de plonger dans le chaudron bouillant de l'époque (1847-1850), qui voit émerger un nouveau courant politique : le socialisme, théorisé à des titres divers par Louis Blanc, Pierre Leroux ou Pierre-Joseph Proudhon. Publiés en particulier dans divers journaux, ces textes, tranchants comme une lame, sont avant tout des interventions, celles d'un républicain et démocrate convaincu ferraillant contre nombre de projets interventionnistes émanant d'un État protectionniste. Vu d'aujourd'hui, Bastiat serait taxé d'« ultralibéral ». Mais, comme le montre Michel Leter dans sa préface aussi précise qu'historiquement informée, Bastiat et les autres libéraux de l'époque « non seulement n'ont pas ignoré la question sociale, mais une lecture attentive du corpus libéral montre que, notamment dans les années qui précédèrent 1848, elle fut la première de leur préoccupation ». C'est peut-être une telle attitude ? libérale et sociale ? qui a été préjudiciable à la postérité de Frédéric Bastiat dans son propre pays, mais qui en ces temps de crise rend urgent sa (re)découverte. Robert Jules « Pamphlets », par Frédéric Bastiat. éditions Les Belles Lettres (412 pages, 27 euros).
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