La Corée du Nord solde ses années « libérales »

On sent déjà l'odeur de gaufre dans Nam Dae Mun. En cette fin d'année, le plus grand marché de Séoul grouille de familles à la recherche de bonnes affaires. Le sourire des vendeuses, coiffées comme des cantatrices, résiste bien à la crise. Les voisins de Corée du Nord, eux, ne connaîtront pas cette liesse bon enfant. La « directive 61 », récemment adoptée par le régime communiste, n'autorise que trois jours de marché par mois ? déjà passés? La mesure sonne le glas de la timide expérience de libéralisation qu'avait tentée le pays depuis 2002. Sur fond de détente internationale, Pyongyang avait en effet relâché son contrôle des prix, espérant capter les recettes du marché noir, augmenter ses revenus fiscaux et déclencher la croissance économique. Une expérience inédite, un nouvel apprentissage pour le régime communiste, dont les échanges internationaux n'avaient consisté, jusqu'à la chute du mur de Berlin, qu'en troc entre nations membres du Comecon, le marché commun du bloc de l'Est. Difficile cependant pour Pyongyang « de passer d'un monde dans lequel on échange du pétrole russe contre des matières premières à un monde où ce même pétrole voit son cours décidé librement à Londres. Le frère soviétique est devenu le voisin russe », analyse Stanislas Roussin, consultant pour Seric Corée et fin connaisseur de la Corée du Nord. De fait, six ans après l'amorce de libéralisation, le résultat n'est qu'une inflation galopante. La croissance, elle, n'a pas été au rendez-vous. Du coup, la jeune génération de leaders nord-coréens, qui a fait ses classes économiques dans les universités occidentales ? y compris, pour certains, aux États-Unis ? a dû revoir sa copie. Au sein du triangle de fer parti-gouvernement-armée qui dirige le pays, les orthodoxes ont repris le pas sur les libéraux. En avril 2007, le Premier ministre, Park Joo-bong, qui avait lancé ces « mesures spéciales » (le mot « réformes » étant tabou), a été démis de ses fonctions pour être remplacé par Kim Yong Il, à la satisfaction de l'armée. Une reprise en main encore accentuée par le durcissement de ton de l'autre côté de la ligne de démarcation. TensionEn février dernier, la Corée du Sud a élu à sa tête un conservateur, Lee Myung-bak, qui a mis fin à la politique d'ouverture de ses prédécesseurs vers la Corée du Nord. Et la tension est montée d'un cran supplémentaire quand Pyongyang a fermé le site touristique de Kumgang, qui accueillait chaque année des dizaines de milliers de touristes en villégiature, après que l'armée a par accident tué une touriste. Enfin, le site industriel de Kaesong, qui emploie les meilleurs ouvriers du Nord dans des usines gérées par des sociétés du Sud, tourne au ralenti. En novembre 2008, le commerce intra-Corées a reculé de 23 % par rapport à la même période en 2007. Enfin, le processus de dénucléarisation de la Corée du Nord, qui réunit périodiquement six nations dont les États-Unis, s'est enlisé, isolant un peu plus le pays. Pyongyang se tourne désormais presque exclusivement vers la Chine (une centaine d'entreprises chinoises ont un bureau de représentation à Pyongyang) et l'Égypte. Orascom, premier conglomérat égyptien, est très actif dans le pays. Il est en train de mettre en place un réseau de télécommunications.Nord et Sud ne perdent pas espoir de se réconcilier un jour. « Ce sont des frères. Vous pouvez vous fâcher à mort avec votre frère, mais vous ne le laisserez jamais tomber », résume Stanislas Roussin. Dans les rues de Séoul, les arbres ont tous poussé en Corée du Nord avant d'être replantés en Corée du Sud... n++BSD ++ NePas supprimer n signature++BSF ++
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