Bercy appelle la BCE à sécuriser les échanges sur les dérivés de crédit

La ministre de l'économie et des Finances, Christine Lagarde, est bien décidée à « faire aboutir sans plus tarder » une solution européenne pour sécuriser les transactions sur les produits dérivés négociés de gré à gré. Dans un courrier adressé hier au commissaire européen au Marché intérieur, Charlie McCreevy, au président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, et au président de l'Eurogroupe Jean-Claude Juncker, et dont « La Tribune » s'est procurée une copie, la ministre a souligné « l'avance prise par les opérateurs américains qui ont également annoncé leur ambition de compenser les transactions européennes, y compris en zone euro ». Au risque de prendre l'avantage. La faillite de Lehman Brothers à la mi-septembre 2008 a mis en lumière des risques sur les marchés des dérivés de crédit, en jetant l'incertitude sur le règlement en bon ordre des contrats de couverture contre le risque de défaut d'un émetteur de dette (credit default swaps (CDS). Ceux-ci ont connu un formidable essor ces dernières années, sans que soient développées les infrastructures permettant d'assurer la sécurité financière. Or l'enjeu se situe à ce niveau pour Bercy. Accès à la liquiditéEn s'interposant entre acheteurs et vendeurs sur le marché, une chambre de compensation réduit le risque de contrepartie et ainsi tout risque systémique. En cours de journée, elle calcule le solde des positions de ses membres, de manière à appeler si nécessaire de nouveaux capitaux pour couvrir les pertes. Et si cela ne suffit pas, elle peut encore recourir à un fonds de secours. Mais cette solution ne peut être offerte depuis les Etats-Unis pour les transactions libellées en euros. Or, « la Commission a récemment souligné qu'il existait une probabilité forte qu'une infrastructure américaine soit en situation de monopole pour compenser les transactions européennes », rappelle Christine Lagarde, lui retournant ainsi l'argument. Une telle situation ne serait pas sans risque en l'absence de supervision européenne et en raison de la « soumission à un droit américain moins protecteur du droit de propriété des épargnants détenteurs de titres que le droit français et le droit européen ». Enfin, pour Bercy, il peut être utile pour la chambre de compensation d'avoir accès à la liquidité fournie en dernier ressort par la banque centrale. Machine réamorcéeCharlie McCreevy n'est pas resté inactif sur ce dossier. Pas plus que la BCE. Des réunions ont été convoquées avec l'industrie des dérivés et les régulateurs. Mais rien de concret n'est ressorti jusqu'alors. Début janvier, le commissaire européen a haussé le ton, menaçant d'une directive une industrie réticente à s'engager par écrit en faveur de l'utilisation d'une solution européenne. Christine Lagarde espère donc réamorcer la machine. Elle appelle à « une nouvelle démarche de mobilisation de l'industrie européenne » tout en demandant que la BCE prenne le leadership, à l'image du rôle joué par la Réserve fédérale aux Etats-Unis. « L'Eurosystème pourrait dans un premier temps définir un cahier des charges pour la structure de compensation européenne des dérivés de gré à gré, assorti d'un calendrier de travail réaliste avec l'objectif de travailler en partenariat avec les banques utilisatrices de la zone euro », suggère la ministre à ses trois interlocuteurs. Christèle Frad
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