Prenons un individu qui a tout pour être heureux. Jean Sarko...

Prenons un individu qui a tout pour être heureux. Jean Sarkozy, par exemple. Héritier politique confortablement élu, beau gosse neuilléen (le mot n'est pas très joli, mais on ne peut pas tout avoir), tout jeune marié. Et, cerise sur le gâteau, blanc comme neige : la justice a récemment et définitivement débouté l'automobiliste qui l'accusait de l'avoir percuté à scooter. Autant dire qu'il nage dans le bonheur. Mais pourquoi ne pédale-t-on jamais dans le bonheur ? Pourquoi la pratique cycliste est-elle condamnée à la semoule, à la choucroute, voire au yaourt, bassement cantonnée à l'alimentaire, somme toute, et associée à la difficulté, à l'insuccès, auréolée de surcroît de peu appétissantes éclaboussures, alors que s'il y en a un qui éclabousse, dans cette affaire, c'est quand même le nageur ?La cycliste que je suis s'insurge. Quoi ! Le vélo réduit aux expressions de cuisine, lui qui est la plus noble conquête de l'homme depuis que le cheval, qui caracolait joyeusement devant la capote du fiacre, a été honteusement relégué sous le capot de la Fiat !À propos de « caracoler », voilà un mot passé du monde animal au genre humain ? on dit ainsi que le papa de l'heureux Jean Sarkozy caracola, un temps, dans les sondages. Mais la sagesse populaire ne dit-elle pas que « qui trop caracole un jour dégringole » ? Et dire que, en espagnol, « caracoles » veut dire « escargots », donc lents, donc collés au sol ! Les deux mots ont une parenté, explique le Robert : caracoler vient de l'espagnol « caracole », « colimaçon » ; après un petit saut dans le temps, le mot désigna les voltes du cheval ; jusqu'au sens de bondir, il n'y avait qu'un? pas.Mais revenons au bonheur ? d'où vient qu'il s'accommode mieux de la nage que du pédalage ? Quiconque fréquente un tant soit peu les piscines sait que le nageur s'extirpant du bassin, avec le bonnet siliconé qui lui tire la peau du front et les ronds rouges que laissent les lunettes autour des yeux, n'est pas exactement l'image de la félicité. Mais c'est ainsi : le nageur glisse dans l'onde, souple et gracieux, heureux comme un poisson dans l'eau, quand le cycliste, pauvre diable, plante son nez dans le guidon, baisse la tête pour avoir l'air d'un coureur, serre les mâchoires et bande ses muscles quand il aborde le dernier des 21 lacets de la montée de l'Alpe-d'Huez ou qu'il s'engage dans la tranchée d'Aremberg. Il a donc besoin de réconfort moral, le cycliste, et encore plus quand on lui rappelle qu'« avoir un petit vélo dans la tête » désigne la folie, ou l'idée fixe. Il pourrait, bien sûr, rétorquer qu'on en connaît « qui nagent comme des fers à repasser ». Mais il peut aussi se rasséréner en se disant que « faire quelque chose comme papa va à vélo », c'est le faire très facilement, avec aisance. Et se rappeler que Sami Frey, récitant au théâtre les « Je me souviens » de Perec (également auteur de « Quel petit vélo à guidon chromé au fond de la cour ? »), le faisait juché sur un vélo. Et nous, spectateurs, pédalions avec lui ? dans le bonheur.Autant en emporte le vélo
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