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Ange Leccia, la vidéo et BourdelleC'est sans doute le rêve inavoué de plus d'un Français qui s'est concrétisé en 2006 pour Ange Leccia. Alors qu'il se trouve dans un café, à réfléchir à un film que le Louvre aimerait le voir réaliser sur le musée, il remarque à peine la jeune femme qui s'assoit à la table en face de lui. En levant les yeux, son regard croise celui de Laetitia Casta. « J'avais la tête remplie de tableaux de primitifs italiens, de visages de madone, se souvient l'artiste. J'ai osé l'aborder. Elle m'a pris pour un fou, avant de me tendre sa carte professionnelle. » Voilà pour l'anecdote. La rencontre a abouti sur un film, « la Déraison du Louvre », où l'actrice déambule de nuit, entre la « Victoire de Samothrace » et les toiles de Girodet, dans les couloirs d'un lieu qu'on croirait hanté.Atmosphère oniriqueAujourd'hui, c'est le Musée Bourdelle qui a fait appel à l'artiste pour qu'il imagine une installation filmique autour de l'?uvre d'Antoine Bourdelle, le sculpteur français qui a marqué le début du XXe siècle. On trouve beaucoup de similitudes entre ce film et le précédent. Il y est une fois encore question d'une visite nocturne à l'atmosphère onirique et énigmatique. L'unique éclairage est celui émis par un projecteur de cinéma, dont le défilement saccadé de la pellicule agit comme une berceuse. Le faisceau de lumière caresse les sculptures de bronze de Bourdelle. Sous un léger effet stroboscopique, on redécouvre leur aspect charnel, leur sensualité mystérieuse.Ange Leccia aime réinterpréter le travail des artistes qui l'ont précédé. « Une ?uvre n'a de sens que par le regard qu'on porte sur elle, explique-t-il. Il y a toujours quelque chose à redécouvrir. En y greffant notre actualité, nos vies quotidiennes, elle dégage un souffle nouveau. » S'il s'exprime désormais presque exclusivement à travers l'objectif de sa caméra, l'artiste né en Corse s'est d'abord fait connaître, au début des années 80, par des installations qu'il qualifie d'« arrangements ». À cette époque, il explore la dualité des objets. Par exemple, en mettant face à face deux projecteurs qui s'échangent un puissant baiser de lumière, ou deux buts de football qui évoquent alors la cage d'une prison.Il ira jusqu'à décliner ce même principe avec les avions d'une base de l'Otan ou encore avec deux gigantesques paquebots dans un port de New York. Les traces photographiques de ce dernier « arrangement » ont été vendues un peu plus de 3.000 euros lors d'une vente américaine de 2004. C'est d'ailleurs souvent ce travail de début de carrière que l'on retrouve en salle de vente. Une toile faite de collages de papiers qui rappelle la neige d'un écran de télévision réalisée lors de sa résidence à la Villa Médicis de Rome en 1983 s'est par exemple vendue 2.500 euros en octobre dernier. Mais depuis, Ange Leccia a opéré un véritable tournant artistique et s'est imposé comme un vidéaste hors pair. Tirées à 3 exemplaires, la galerie Almine Rech vend ses vidéos autour de 30.000 euros. L'artiste collecte ses images lors de ses voyages (Japon, Syrie, Égypte?), au fil de ses balades et de ses rencontres, avec toujours une volonté de découvrir l'« autre ». Conscience politiqueCela peut donner des ?uvres très violentes, comme ce film tourné au Cambodge montré il y a deux ans au Centre Pompidou pour l'exposition « Air de Paris » et qui suit inlassablement au ralenti les fils barbelés entourant un camp de concentration.La conscience politique qui émane régulièrement de ses ?uvres, Ange Leccia tente de l'inculquer aux résidents du « Pavillon », l'unité pédagogique du Palais de Tokyo qu'il dirige depuis 2001. Chaque année, une dizaine de jeunes artistes du monde entier y suivent ses cours. « Je prends autant de plaisir à former ces jeunes qu'à monter une exposition, indique-t-il. J'essaye de partager avec eux une certaine philosophie de vie. J'ai des inquiétudes par rapport à notre monde mais je n'ai pas cessé de croire en l'art, car il est, aujourd'hui encore, toujours en résistance. »Olivier Le Floc'h « Ange Leccia et le Pavillon » jusqu'au 30 août au Musée Bourdelle. 18, rue Antoine-Bourdelle, 75015 Paris. 01.49.54.73.73 ? www.bourdelle.paris.frL'artiste connu pour ses « arrangements » dans les années 80 est devenu un vidéaste de renom. Leccia est invité par le musée Bourdelle pour éclairer d'une nouvelle lumière l'?uvre du sculpteur.
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