« II faut une décision politique sur Ariane 6 »

Yannick d'Escatha, le président du Centre national d'études spatialesÀ la demande du Premier ministre, Yannick d'Escatha, le délégué général pour l'armement, Laurent Collet-Billon, et le haut-commissaire à l'Énergie atomique (CEA), Bernard Bigot, ont défini les grands axes de ce que devra être le prochain lanceur qui succédera à Ariane 5 et garantira l'accès à l'espace à l'Europe.Dans quel état d'esprit avez-vous écrit le rapport sur le successeur d'Ariane 5 ?Ce travail n'a pas été compliqué à réaliser d'autant qu'il n'y a pas eu de divergences entre les trois auteurs. Venir d'horizons radicalement différents était même l'un des points intéressants, car nous avions l'objectif d'auditionner plus de 40 personnalités françaises et européennes du spatial. Notre résultat a été consensuel. Et contrairement à ce qui a pu être rapporté, il n'a jamais été question de rédiger deux rapports.Quel est l'objectif principal de ce texte ?Jusqu'à présent, les principales agences spatiales nationales et l'Agence spatiale européenne (ESA) ont beaucoup travaillé sur les briques technologiques du futur lanceur, qui succédera à Ariane 5. Nous avons une base technique commune importante et beaucoup d'études sur les besoins futurs du marché. L'objectif du rapport est de dire qu'il faut maintenant faire de la politique. L'Europe spatiale a besoin d'une décision politique lors du conseil ministériel de 2011 sur le futur lanceur européen, qui garantira l'accès stratégique à l'espace.Avez-vous le sentiment que nos partenaires européens ont conscience de ces enjeux ?Oui. L'immense majorité des Européens interrogés nous a dit : « C'est bien que la France fasse cela. S'il y avait un pays qui devait initier le mouvement, c'était bien vous, c'est votre rôle, c'est votre légitimité. » Depuis la dernière réunion ministérielle de l'ESA et la présidence française de l'Union européenne, il y a vraiment eu une accélération de la prise de conscience de l'importance de l'espace comme enjeu politique et stratégique majeur pour l'UE. Celle-ci estime que l'espace sera de plus en plus stratégique dans le monde de demain.Quelles seront les caractéristiques d'Ariane 6 ?Nous ne sommes pas en mesure de faire aujourd'hui le portrait-robot du futur lanceur avec tels types de technologies, telle propulsion. C'est aux études système, industrielle et économique de le révéler. Un lanceur, ce n'est pas un Meccano, c'est un système parmi les plus complexes que l'homme ait pu faire. Il faut complètement inventer le nouveau système que sera le lanceur. Le premier vol sera au plus tôt en 2020 et après, il faudra le fiabiliser. Mais on ne peut pas s'engager sur un calendrier plus précis à ce stade.Quels sont alors les besoins ?Il faudra qu'il puisse s'adapter à une large gamme de charges utiles, de moins de 3 tonnes à plus de 6 tonnes. Il faut couvrir l'ensemble des besoins, notamment institutionnels qui sont eux très variés. Je tiens à souligner que l'activité commerciale d'Ariane 6 est tout aussi stratégique que les lancements institutionnels, les deux étant indispensables pour garantir par le nombre la fiabilité et la viabilité des lancements. Ariane 6 sera un lanceur modulaire, comme tous les programmes en cours de développement et comme l'était Ariane 4. Mais la comparaison s'arrête là. Il fallait aussi se libérer de la contrainte de l'appariement [lancement double, Ndlr], même si un lancement double est moins cher que deux simples. Au passage, il ne sera pas interdit à Ariane 6 de lancer deux satellites s'il y a des opportunités. Nous travaillons déjà sur des réductions de coûts significatives sur le développement et l'exploitation (coût de possession) grâce aux technologies très innovantes qui seront développées dans le cadre d'Ariane 6.En 2025, quid d'Ariane 5 ?En 2025, il faut qu'Ariane 5 soit toujours là, jusqu'au moment où Ariane 6 sera fiabilisé, sinon l'Europe aura perdu l'accès à l'espace. à ce moment-là, nous serons libres de décider de ne garder qu'Ariane 6, ou de panacher les deux, en fonction du marché, des besoins institutionnels et de la situation internationale en 2025.
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