Martin Hirsch  : « c'est un bouclier pour les pauvres et les modestes »

Le RSA démarre le 1er juin, tout est-il prêt ?Oui. Mais comme je suis d'un naturel anxieux, nous serons vigilants jusqu'au bout. Tout est prêt d'abord parce que cette réforme se prépare depuis longtemps. Le concept a été défini il y a quatre ans et est né d'un consensus entre les acteurs (syndicats, associations, élus de droite et de gauche, etc.). Par ailleurs, depuis septembre, nous sommes allés dans les départements animer des réunions avec l'ensemble des acteurs : départements, Pôle emploi, caisses d'allocations familiales (CAF), centres communaux d'action sociale, usagers? De ce point de vue, ce n'est pas une réforme improvisée, pas artificielle, même si elle est très lourde à mettre en ?uvre. Nous ne sommes pas fébriles, mais nous savons que cette réforme concerne 7 millions de Français. Pour beaucoup d'entre eux, il s'agit de conditions vitales. Le système social peut générer des erreurs. Nous espérons ne pas en dénombrer trop.Pourquoi ne pas avoir attendu la fin des expérimentations, prévue fin 2010, avant de généraliser le RSA ?J'assume. C'est un peu dommage que nous n'ayons pas pu commencer les expérimentations en 2005, quand j'ai rendu le rapport de la commission « Familles, vulnérabilité, pauvret頻. À l'époque, le gouvernement voulait l'enterrer. Aujourd'hui, on ne peut pas perdre de temps. Le RMI, créé en 1988, n'est plus adapté. Je ne vois pas pourquoi, pour les riches, on irait vite pour faire les réformes, et pour les pauvres, toujours très lentement. Je ne pouvais pas décevoir mes vrais commanditaires ? c'est-à-dire les allocataires ?, qui attendaient la généralisation du RSA. Et il me semblait que, si on n'avait pas d'argent en 2009, c'était mort. L'élan serait retombé.Les Français peuvent faire un test auprès de la Caisse nationale des allocations familiales pour vérifier s'ils sont éligibles au RSA. Est-ce un succès ?Oui, pour le test, 5 millions de personnes l'ont fait ! Et 1 million de personnes ont téléchargé le formulaire de demande en ligne. Il y a un décalage avec les 100.000 demandes dûment remplies arrivées dans les CAF. Mais cela se diffuse et s'accélère.Les personnes savent-elles qu'elles peuvent percevoir le RSA même si elles exercent un emploi ?Pas toujours. Cela étonne. J'entends souvent : « Je travaille, donc, comme d'habitude, je ne dois pas être concerné. » Eh bien, si ! Le RSA, ce n'est pas un « super RMI ».Ce ne sera pas simple, car la méthode de calcul est complexe?C'est vrai. Le montant du RSA dépend à la fois de la situation familiale et de l'ensemble des revenus. À l'inverse de la prime pour l'emploi (PPE), dont le versement est automatique, il y aura une démarche active à faire pour bénéficier du RSA. Une fois qu'on le perçoit, c'est identifié, connecté au revenu et versé mensuellement. Le système de calcul est fait pour garantir que, chaque fois que vous reprenez un travail ou que vous travaillez davantage, votre revenu augmente. Chaque fois que vous gagnez 100 euros, les aides que vous aviez avant ne peuvent pas baisser de plus de 38 euros, donc le revenu global augmente de 62 euros. C'est le bouclier pour les pauvres et les modestes.Avez-vous fait une sensibilisation auprès des employeurs, notamment pour éviter la multiplication des emplois à temps très partiel ?Oui. Nous devrions d'ailleurs avoir des garanties de la grande distribution. Carrefour, premier employeur français, s'est engagé à ce que le RSA ne soit pas un prétexte pour jouer sur le temps partiel. Plus largement, nous ne sommes pas inquiets, car il n'y a pas d'effet d'aubaine pour l'employeur.Le rapport de la mission d'évaluation du RSA montre un taux de retour à l'emploi des bénéficiaires du RSA plus élevé de 9 % dans les zones d'expérimentation que dans les zones témoin. Êtes-vous déçu ?Ma crainte était qu'on ne voie rien dans ce laps de temps court et sans préparation. Là, je suis soulagé. Les résultats prennent en compte l'ensemble des départements qui expérimentent le RSA, ce qui n'était pas le cas du rapport d'étape, qui faisait état d'un taux de retour à l'emploi supérieur à 30 % dans les zones tests, par ailleurs les plus motivées. Jusqu'à présent, combien de systèmes ont été évalués et ont montré un effet significatif ? Prenez les millions de la prime pour l'emploi : qui peut prétendre démontrer le moindre effet sur le retour à l'emploi ?Les bénéficiaires du RSA vont venir grossir les rangs des demandeurs d'emploi qui pointent à Pôle emploi. Ne vont-ils pas être noyés dans la masse ?La nouveauté avec le RSA, c'est qu'ils auront désormais les mêmes chances que les autres. Mais personne ne prétend que ce sera facile pour Pôle emploi. Jusqu'à présent, la structure avait intérêt à ne même pas inscrire les RMistes comme demandeurs d'emploi. Cela n'émouvait pas grand monde, mais il en résulte que les chiffres du chômage ont été dénaturés pendant vingt ans. Pas inscrit, pas compté. Nous avons violé ce tabou.Et du côté des départements ?Les conseils généraux, qui pilotent le RSA, ont un intérêt financier à promouvoir le retour à l'emploi. S'ils estiment que cela ne va pas assez vite avec Pôle emploi, ils peuvent signer une convention avec un opérateur privé, une association, leurs propres équipes? Que les départements fassent leurs calculs et je leur donne mon billet que mettre un peu d'argent supplémentaire est rentable. Le comité d'évaluation est formel : les dépenses ont diminué dans les zones d'expérimentation.Quel est le coût du RSA ?Il coûte 1,5 milliard d'euros de plus que le système précédent, soit 9 milliards d'euros en année pleine. Le surplus sert à financer trois dispositifs. Tout d'abord, 10 % sont consacrés à une aide au retour à l'emploi sur mesure (garde d'enfants, etc.) que les départements peuvent débloquer. C'est beaucoup plus responsabilisant que la prime précédente : 1.000 euros versés au bout du quatrième mois. Ensuite, 100 millions d'euros vont renforcer les CAF et le reste va abonder le RSA (1,25 milliard d'euros).Le RSA va-t-il peser sur les finances des départements ?La partie RSA chapeau est prise en charge par l'État à 100 %, la gratuité est prévue pour Pôle emploi, de l'argent est dégagé pour les CAF. Donc, il ne peut pas y avoir de dérive. Et ce qui a été transféré aux départements a été compensé. Deux clauses de rendez-vous, fin 2009 et fin 2010, sont prévues pour vérifier qu'ils n'ont pas été lésés.Quel type de dispositif souhaiteriez-vous mettre en place pour les moins de 25 ans ?Pour les jeunes, je suis hostile au statu quo. Mais je ne suis pas favorable à un système qui fasse rentrer dans l'aide sociale à 18 ans. Donc, je ne défends pas l'extension du RSA. Nous proposerons des scénarios dans le cadre de la commission de concertation sur la jeunesse, probablement mi-juin.Propos recueillis par Agnès Laurent et Isabelle Moreau
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