Le Conseil d'État critique la nouvelle loi antipiratage

La nouvelle loi de lutte contre le piratage sera-t-elle aussi retoquée par le Conseil constitutionnel ? Le risque est non négligeable. En effet, le rapporteur du texte devant le Conseil d'État, lorsqu'il l'a examiné la semaine dernière, a soulevé plusieurs problèmes d'inconstitutionnalité. Mais aucune de ses critiques n'a apparemment été prise en compte par le gouvernement.Une nouvelle censure du Conseil constitutionnel, s'il était saisi d'un recours, serait du plus mauvais effet. La nouvelle loi, inscrite à l'ordre du jour du Sénat les 8 et 9 juillet et de l'Assemblée le 20, a justement été rendue nécessaire par la censure, le 10 juin, de la loi précédente. Dans ce premier texte, une autorité administrative indépendante, l'Hadopi, pouvait couper l'accès Internet après avertissements. Mais le Conseil constitutionnel a estimé que seule la justice pouvait ordonner une telle coupure. La nouvelle loi confie donc ce pouvoir à un juge. Mais, afin d'alléger la justice, le rôle du juge sera excessivement réduit : il recevra un dossier tout ficelé de l'Hadopi, et celle-ci se chargera aussi, en fin de processus, de notifier la décision de coupure au fournisseur d'accès qui devra la mettre en ?uvre. Pour le rapporteur du Conseil d'État, les garanties apportées par le juge sont donc réduites à la portion congrue, ce qui pourrait porter atteinte au principe de séparation des pouvoirs. « Le juge n'en fait pas plus pour bien d'autres infractions », répond le ministère de la Justice. simple présomptionAutre critique : les peines infligées pourraient ne pas être correctement proportionnées. Parmi les trois peines différentes désormais prévues, coexistent une peine relativement bénigne (amende) avec des peines plus graves (prison et coupure d'accès Internet). Last but not least, le rapporteur a proposé de supprimer le dernier alinéa de la loi, néanmoins maintenu par le gouvernement. Cet alinéa évoque un futur décret qui permettra d'infliger des amendes et une coupure d'un mois à l'internaute qui aura « laissé par négligence, au moyen de son accès à Internet, un tiers commettre une contrefaçon », indique le projet de décret. En clair, cela se basera sur un « piratage présum頻 facile à établir en repérant l'adresse Internet de l'internaute sur les sites de peertopeer.Le Conseil constitutionnel a, jusqu'à présent, admis qu'on se base sur la simple présomption de culpabilité « à titre exceptionnel, notamment pour les amendes ». Il l'a autorisé en 1999 dans le cas des automobilistes flashés pour excès de vitesse, où le détenteur de la carte grise paie l'amende quel que soit le conducteur, sauf s'il apporte la preuve qu'il n'a pas commis l'infraction.Le rapporteur du Conseil d'État s'est demandé si cette jurisprudence s'appliquait bien ici ; le débat aurait aussi fait rage au sein du gouvernement. Le Conseil constitutionnel lui-même a estimé le 10 juin qu' « il n'y a pas d'équivalence possible entre la situation de l'internaute et de l'automobiliste. Il est autrement plus difficile, pour un internaute, de savoir ? et a fortiori de démontrer ? que son accès à Internet est utilisé à son insu, que, pour le propriétaire d'un véhicule, de savoir que ce dernier a été volé. » n
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