Un « sage blanc » en Afrique

Charles Josselin, le nouveau secrétaire d'Etat à la Coopération, rentre tout doucement dans ses meubles, rue Monsieur. C'est aussi tranquillement que ce proche de Michel Rocard entend mettre en place un « nouveau dialogue Nord-Sud ». Si on demande au nouveau « Monsieur Afrique » quelle direction prendra le « partenariat » avec ce continent que Lionel Jospin appelle de ses voeux, l'homme se raidit un peu, tirant sur son Montecristo. « Il faut revisiter le discours de Cancun d'octobre 1981. On pourrait bien retrouver l'idée - mais le mone a depuis évolué - de payer à leurs justes prix les matières premières des pays en développement. » Sans doute, Charles Josselin peut-il se prévaloir d'une expérience réussie en matière d'« échanges » avec l'Afrique et le monde en développement. Président du conseil général des Côtes-d'Armor depuis vingt et un ans, il est à l'origine de la coopération décentralisée, c'est-à-dire, pour lui, « les relations internationales des collectivités locales ». Cette dénomination devrait intéresser le Quai d'Orsay. Vigilance. Charles Josselin marque, ainsi, son territoire. Il y a intérêt. « Je suis certain qu'il n'y a aucune volonté hégémonique du ministère des Affaires étrangères sur mes attributions qui sont larges et couvrent l'ensemble des pays qui reçoivent de l'aide française. Ces attributions vont de la coopération, en passant par la francophonie, jusqu'à l'aide humanitaire... Mais il faut survller avec vigilance la volonté d'extension des pouvoirs des cabinets et parfois des ministres. » Récemment, un ministre québécois qui rencontrait Hubert Védrine a eu le vif sentiment que ce dernier voulait être « un ministre senior s'occupant de tout ». Un séducteur. Charles Josselin donne l'impression de cheminer à un train de sénateur. Il ne faut donc pas compter sur lui pour ren- trer violemment dans le jeu des « petites phrases ». Ni pour se contenter du rôle de potiche simplement candidat à ce que sa photo vienne, le moment venu, orner la galerie de portraits du ministère de la Coopération. Le maire de la commune agricole de Pleslin-Trigavou a du franc-parler et le sens du contact. « C'est un séducteur qui ne s'ignore pas », insiste l'un de ses amis. Le jeune Charles, au lycée des Cordeliers à Dinan, affichait déjà des « idées de gauche ». Il n'a sans doute jamais renié un discours humaniste et chrétien. Mais l'ancien orateur du « club des bonnets rouges » s'est fondu dans un embourgeoisement tranquille. Avec ses yeux bleus et ses cheveux blancs, Charles Josselin, sur le green du parcours de golf de Saint-Briac, donne l'impression d'être l'un de ses riches industriels américains en retraite, venus se ressourcer en Bretagne. « Notez bien que cette crinière blanche devrait faire merveille en Afrique. Les cheveux blancs sont le symbole de la sagesse sur le conti- nent. Charles Josselin pourra ainsi compenser son manque de connais- sance des dossiers techniques par une apparence positive », ironise un haut fonctionnaire du ministère de la Coopération. Le nouveau secrétaire d'Etat écoute beaucoup et laisse dire tout autant. Si son directeur de cabinet parle trop à sa place, il rallume, sans nervosité, son cigare. Se donner un peu de contenance. Un rendez-vous à L'Elysée. Vite, il récupère son téléphone portable et la guillotine de ses Montecristo. L'homme est tranquille, mais pressé. « Une forme de vocation ». Le jeune Charles a usé ses fonds de pantalon sur les bancs d'une école religieuse car son père était président d'une association paroissiale. Aujourd'hui, à cinquante-neuf ans, il lui en reste encore un petit quelque chose dans le regard : une lueur de foi. Il adresserait volontiers, dans un clignement d'yeux, un message à la Rousseau : l'homme n'est pas mauvais, c'est la société qui le corrompt. Ses expériences ministérielles pas- sées - secrétaire d'Etat aux Trans- ports et à la Mer dans les gouvernements Fabius et Bérégovoy - ont donné du fil à retordre à son « angélisme naturel ». Parce que, lorsqu'il parle de lui, Charles Josselin admet bien facilement qu'il « a parfois frôlé l'angélisme ». Oui, il a toujours eu « une vision très positive du monde qui l'entoure ». Alors, il n'hésite pas à expliquer que son arrivée au ministère de la Coopération - qui l'a « un peu surpris » - est une « forme de vocation ». Pour Charles Josselin, la Coopération « est sinon une entrée dans les ordres, du moins une entrée dans une nouvelle vie militante ». Eric Revel
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