La police japonaise se penche sur le cas des « jusen »

La crise des jusen, ces sociétés financières non bancaires spécialisées dans le financement de l'immobilier, qui ont été laminées par la chute ininterrompue des prix, dérive sur le terrain criminel. Car, malgré le plan de sauvetage adopté à la fin de l'année dernière pour liquider les créances douteuses, le dossier est en train de tourner au scandale. C'est ainsi que la police japonaise a officiellement institué hier une section spéciale chargée d'élucider les causes de cette vague de faillites. Avec en ligne de mire, les yakuzas, c'est-à-dire la mafia japonaise. Pour mémoire, selon le ministère des Finances, la moitié des encours des jusen est pratiquement irrécupérable, soit un sinistre de près de 6 400 milliards de yens (environ 310 milliards de francs). Longtemps tabou, l'implication des yakuzas dans cette débâcle est désormais reconnue par nombre d'observateurs indépendants. Raisuke Miyawaki, ancien haut responsable de la police japonaise, avait surnommé il y a quelques temps cette crise de « yakusa-recession ». Selon lui, 10 % à 30 % du total des créances douteuses proviennent de sociétés liées de près ou de loin au « milieu ». Plus récemment, Kenichi Omae, ancien président de la filiale japonaise du consultant américain McKinsey et candidat malheureux à la mairie de Tokyo, soulignait dans un entretien publié par l'hebdomadaire Shukan Asahi que le problème du crime organisé compliquait le dossier des jusen. « Sans faire de jeu de mots, les "mauvaises dettes" sont en fait de l'argent qui a été versés à des "mauvaises gens" », soulignait-t-il. En effet, on retrouve les traces de la mafia à tous les niveaux dans cette débâcle. C'est ainsi que certains promoteurs n'ont pas hésité à utiliser ses services pour exproprier les propriétaires d'une parcelle convoitée. En outre, les yakusas ont semble-t-il tissé des liens privilégiés avec les jusen, dont certains ont fait appel à eux pour ramener à la raison les mauvais payeurs. Mais surtout, les yakuzas ont eux-même spéculé sur le marché immobilier avec l'argent des banques. Cet argent « s'est évaporé dans les ténèbres », estime Kenichi Omae, en soulignant que les banques n'ont aujourd'hui nulle envie de mettre en place des procédures pour tenter de le récupérer. L'assassinat, dans des circonstances mal élucidées, de responsables de Sumitomo Bank et d'Hanwa Bank, ne pouvait d'ailleurs guère les inciter à plus de courage. Sur le terrain donc, la brigade spéciale mise en place comprendra dix-neuf policiers, dont certains venus de la section anti-gang, selon un porte-parole de l'agence de la police nationale. Les enquêteurs devront notamment déterminer si des transactions illégales ont contribué à la chute des jusen et rechercher les responsabilités pénales des dirigeants de ces sociétés. En outre, l'administration centrale de la police va demander aux polices locales de faire des enquêtes systématiques en cas de sinistre bancaire. D'ailleurs, une enquête sur la faillite de deux établissements financiers d'Osaka - Kizu Credit Union et Nihiki Finance - a déjà donné lieu à près de 100 accusations de corruption et de fraude, selon le porte-parole de la police. La mise en place de cette brigade policière a aussi pour but de rassurer l'opinion publique, qui a été ulcérée que l'Etat ait eu recours à des fonds publics pour régler le dossier. En effet, dans le cadre de la liquidation des jusen, 680 milliards de yens (environ 33 milliards de francs) - soit 50 dollars par habitant - vont être financés au titre du budget 1996 sous forme d'emprunts d'Etat. S. R. Avec AFP
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