Taux : le marché doute de l'efficacité de la détente

Tout avait bien commencé, les anticipations de baisse de taux, eu égard à la faiblesse de la croissance, en France comme en Allemagne, battaient leur plein, la Bourse de Paris prenait plus de 1 % par jour, le contrat notionnel touchait ses plus-hauts (à 120,94), le franc s'appréciait face au mark et valait, au mieux, moins de 3,41 pour un mark et, enfin, le loyer de l'argent au jour le jour continuait de se détendre, à 4 9/16-4 11/16 %. Les deux premiers jours de cotation de 1996 sur les marchés semblaient vouloir effacer les mauvais souvenirs de l'an passé. Mais, dès jeudi, les bonnes dispositions des opérateurs ont fait place au doute. « Le marché a besoin d'être pris par la main, analyse Damien Jamet, économiste à la Fimat. Pour progresser, il lui faut une initiative extérieure, venant de la Banque de France ». Certains l'espéraient dès la semaine passée. Elle n'est pas venue, pas plus qu'une détente des taux d'intérêt allemands n'a été décidée par le conseil de la Bundesbank. Il faudra sans doute attendre ce jeudi, date de la grande rentrée du Conseil de politique monétaire de la Banque de France, au cours de laquelle la banque centrale donnera des précisions sur sa politique monétaire pour 1996. Le taux d'appel d'offres, à 4,45 % actuellement, pourrait ainsi être ramené à 4,20 % jeudi, et se situer à 3,70 % à la fin mars. Pendant ce temps, les taux longs, à 6,68 % vendredi dernier, devraient profiter de cette détente, mais conserver quand même un écart de 60 centièmes avec les bunds allemands (à 6 % en fin de semaine passée), sous l'effet d'un manque de visibilité sur les performances de l'économie française. Car si les marchés se sont focalisés sur la baisse des taux au tout début de l'année, ils semblent maintenant rattrapés par le vieux démon de Maastricht. L'état de l'économie française, la faiblesse de la consommation et des recettes fiscales laissent en effet préjuger de graves difficultés quant à la possibilité pour l'Hexagone d'atteindre le critère de l'Union concernant le ratio de 3 % de déficit public sur PIB pour 1997. Le marché de taux a bien résisté, lors de la première adjudication de l'année par exemple (voir La Tribune du 5-6 janvier), mais la réserve qui se manifestait en fin de semaine dernière (le notionnel terminait à 120,60, en baisse de 24 centièmes, le Pibor perdait 14 centièmes, à 95,02, tandis que le franc s'effritait à 3,4230 francs pour un mark) reflète, selon un opérateur, l'éventualité, prise désormais en compte par le marché, d'un accident sur les taux d'intérêt et sur le franc. En effet, les intervenants risquent de perdre confiance dans la politique gouvernementale et de faire payer ce « déficit » de crédibilité au franc et aux taux courts. Et ils commencent à douter de l'efficacité des baisses de taux, pourtant érigées en panacée universelle auparavant. « Devant l'indigence des mesures Juppé pour relancer la consommation, on est en droit de se poser des questions », commente un professionnel. « Et si elles prouvent leur efficacité au deuxième trimestre, de toute façon nous serons morts avant, étouffés par les charges fiscales ! », conclut-il. Lysiane J. BAUDU
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