L'exception économique française

Trois semaines après avoir annoncé 22 milliards de dollars de dépréciations d'actifs en raison de la crise des subprimes, le conseil d'administration de Citigroup votait le départ du président, Charles Prince, et son remplacement par Vikram Pandit. Trois semaines après avoir rendu publique une perte de 4,9 milliards d'euros liée aux pertes du trader Jérôme Kerviel, le PDG de la Société Générale, Daniel Bouton, s'estimant blanchi par le rapport interne, déclare que sa démission n'est plus d'actualité. Sans entraîner la moindre réaction de son conseil. Comme si cette décision lui appartenait seul." J'entends dire qu'il faudrait faire comme les Américains et remplacer les dirigeants en cas de crise. Mais les règles de fonctionnement ne sont pas les mêmes qu'aux États-Unis ", s'est empressée de justifier Christine Lagarde, ministre de l'Économie et des Finances dans un entretien aux Échos du 26 février. Cette déclaration ne va pas sans poser question. Y aurait-il donc une exception économique française, qui permettrait de s'abstraire de certaines conventions ? Et, si les règles sont différentes, quelles sont-elles ? Dans leur rapport successif sur la gouvernance en France, Marc Viénot puis Daniel Bouton, ex et actuel président de la Société Générale, avaient insisté sur la nécessité d'instaurer une transparence dans la conduite des affaires, d'instituer l'indépendance des conseils et la responsabilité des administrateurs. En un mot, de calquer les règles françaises sur les usages anglo-saxons.DES PRINCIPES A GEOMETRIE VARIABLEAlors que la menace d'une législation dont la place de Paris ne voulait surtout pas a disparu, les groupes français paraissent avoir retenu des règles venues d'outre-Atlantique pour ce qui les intéressait : les salaires, les stock-options et un formalisme extrême dans la communication rigidifiant toute la vie de l'entreprise. Pour le reste, les principes sont devenus à géométrie variable. Particulièrement pour tout ce qui touche la responsabilité des dirigeants et des administrateurs.Alors que, même en Allemagne, les patrons, jusqu'aux plus illustres, savent désormais qu'ils peuvent payer de leur place tout manquement aux règles ou défaut de résultats, les conseils en France continuent à faire preuve d'une singulière mansuétude. Ainsi, en dépit d'une capitalisation passée de 70 à 9 milliards en dix ans, Serge Tchuruk, président d'Alcatel-Lucent, reste à sa place. De même, aucune sanction pour le patron de Thomson, qui a pourtant conduit sa société dans une impasse. Les évictions, quand elles ont lieu, comme chez Accor, Vinci ou Safran, sont plus liées à des dissensions au sein du conseil ou avec la place que sur les résultats.Ces étranges pratiques ne peuvent que nourrir le soupçon et la contestation. Une des premières règles du capitalisme est la responsabilité. Adam Smith l'avait si bien compris que, parallèlement à la Richesse des nations, il avait publié une Théorie des sentiments moraux.
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